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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 72

Le jeudi 11 juin 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 11 juin 1998

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Question de privilège

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat du Canada, je prends la parole pour donner avis oral que je soulèverai la question de privilège plus tard cet après-midi. Plus tôt aujourd'hui, j'en ai donné préavis par écrit au greffier du Sénat, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement.

Je demanderai au Président du Sénat de rendre une décision sur les faits que j'exposerai brièvement et de déterminer si, oui ou non, il s'agit d'une question de privilège fondée à première vue. Si c'est le cas, je serai prête à présenter la motion.

 

Le très honorable M. Brian Mulroney, c.r.

Le quinzième anniversaire de son élection à la direction du Parti progressiste-conservateur

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, il y a 15 ans aujourd'hui, au Centre municipal d'Ottawa, où il faisait chaud et humide, Brian Mulroney a été choisi chef du Parti progressiste-conservateur du Canada.

Comme ma collègue le sénateur Cohen me l'a signalé avec raison hier, ces événements d'il y a 15 ans ont eu un effet direct sur la vie des 39 d'entre nous qui sommes ici parce que Brian Mulroney nous a nommés sénateurs.

Dans des déclarations antérieures au Sénat, j'ai souligné les réalisations du gouvernement de Brian Mulroney en tentant notamment de faire tomber le mythe que c'est le gouvernement qui a laissé le plus gros déficit. Bien sûr, ce n'est pas vrai. Son gouvernement avait hérité du plus gros déficit de l'histoire du Canada en 1984.

Si l'on ne déforme pas les faits, l'histoire rétablira les mérites du gouvernement Mulroney en ce qui concerne l'environnement, les droits de la personne, la place du Canada dans l'économie mondiale, la restructuration du régime fiscal et, bien sûr, ses efforts louables pour rétablir la paix constitutionnelle dans notre pays.

Ma déclaration d'aujourd'hui ne porte cependant pas sur les réalisations de Brian Mulroney mais plutôt sur un aspect de sa personne que bon nombre d'entre nous, des deux côtés de la Chambre, connaissons bien. Je veux parler de sa générosité d'esprit. Il y a 15 ans aujourd'hui, je me trouvais dans ce centre municipal surchauffé. Je n'avais pas pris parti dans la course à la direction, parce que j'étais l'un des trois coordonnateurs du congrès. En fait, je n'étais pas d'accord avec l'une des premières déclarations de Brian Mulroney. Quand il est sorti victorieux de la course à la direction, il s'est tourné vers Erik Nielsen, qui venait de dénigrer ses compétences, pour lui dire quelque chose comme: «Bon, Erik, je n'étais peut-être pas votre premier choix, mais vous êtes le mien en tant que leader du Parti progressiste-conservateur à la Chambre.» Cela ne m'a pas fait plaisir. Je ne voyais pas de raison de lui garder un rôle important au sein du parti mais, quoi qu'il en soit, ce fut le signe, pour nous tous, que des gestes de ce genre allaient devenir la marque de Brian Mulroney.

Tout cela pour montrer combien Brian Mulroney a travaillé pour rapprocher les conservateurs et les Canadiens. Pour sa récompense et pour la nôtre, son gouvernement a été deux fois majoritaire. Le fait que ceux-là même à qui il avait tendu la main l'aient trahi n'ôte rien à ses efforts et à ses bonnes intentions. Chaque trahison a été compensée par des centaines de succès. Il a mené ce gouvernement à travers des temps intéressants, souvent difficiles. Sa famille et lui ont eu beaucoup de problèmes à cause de leur personnalité. Du même coup, les collègues de Brian Mulroney étaient constamment attaqués.

Qui peut oublier les manifestations contre les mesures de réduction du déficit, le libre-échange et la TPS? Certaines ont mal tourné. Tout le temps, il a gardé sa dignité, son sens de l'humour et sa détermination. Tout le temps, il est resté fidèle à la ligne de conduite qu'il s'était fixée. Le fait que son parti lui soit demeuré fidèle montre le style de leader qu'il était.

Sous Brian Mulroney, on n'a jamais vu un manifestant vouloir en étrangler un autre, des manifestants se faire asperger de poivre, d'enquête des médias qui faisaient simplement leur travail et rapportaient ce que leur racontaient des gens qui avaient accès aux délibérations du Cabinet. Jamais il ne s'est attaqué personnellement à son prédécesseur. Jamais il n'y a eu de chasse aux sorcières.

J'adresse tous mes voeux à notre ancien premier ministre, un homme aimable, un homme bon, un père affectueux dont les enfants sont le meilleur reflet du caractère et de la force de Brian et de Mila Mulroney, et leur font honneur à tous les deux. C'est un ami fidèle et loyal, un leader courageux et visionnaire, un avocat et un homme d'affaires accompli retourné à la vie privée, et un Canadien fier de l'être.

Brian Mulroney, nous saluons votre leadership et vos réalisations.

 

La santé

Le taux élevé d'usage du tabac à l'Île-du-Prince-Édouard

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je voudrais parler de l'usage du tabac et de son influence sur la province que je représente. Il menace de plus en plus notre plus précieuse ressource, nos jeunes. Je regrette de devoir dire que c'est un domaine où l'Île-du-Prince-Édouard devance le reste du pays. C'est un problème qui a des solutions et un problème à l'égard duquel la province devrait jouer un rôle de leader.

Il est particulièrement important pour moi que je parle de cette question vu les statistiques alarmantes associées à l'usage du tabac dans la province. Santé Canada fait remarquer, dans un sondage sur l'usage du tabac au Canada que, à l'Île-du-Prince-Édouard, il y a 32 p. 100 de fumeurs quotidiens, plus que dans n'importe quelle autre province et très loin devant la province au taux le plus bas, Terre-Neuve avec 18 p. 100.

De 1983 à 1995, les décès associés à l'usage du tabac, essentiellement par suite de cancer du poumon, ont doublé chez les femmes. Chez les hommes, pendant la même période, ces mêmes décès ont augmenté de 11 p. 100. Selon une étude du ministère de la Santé et des Services sociaux de l'île, environ 33 p. 100 des élèves fument. Le taux passe de 26 p. 100 en 7e année, à 55 p. 100 en 12e année.

Honorables sénateurs, nous avons fait le premier pas hier, en adoptant un projet de loi prévoyant la création de la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Je pense que l'île serait l'endroit idéal pour un projet pilote et également pour y installer le siège de la fondation. Ayant la plus grande proportion de fumeurs quotidiens, nous présentons le plus grand défi. Nous avons aussi les structures intégrées nécessaires pour démontrer comment les collectivités, les municipalités, les provinces et le secteur privé peuvent collaborer au succès de ce programme. Nous avons les bénévoles et les professionnels indispensables à cette initiative.

Je voudrais remercier le sénateur Kenny et le sénateur Nolin de leur vision et de leur diligence dans cette affaire. Je sais que si cette mesure est adoptée par l'autre endroit, elle apportera des bénéfices aux gens de l'île et à tous les Canadiens.

 

Le Sénat

Hommage à nos jeunes collaborateurs

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, j'aimerais dire un mot des merveilleux jeunes avec lesquels j'ai eu le plaisir de travailler à mon bureau, des anciens patriotes pour la plupart. Si jamais une de vos secrétaires vous quitte, remplacez-la par deux pages, qui partageront son salaire et ses tâches, et vous ne le regretterez pas.

Christine Deering n'était pas une page mais une jeune recherchiste. Elle m'a appris à être un président de comité gentil, ce que je n'étais pas auparavant. Karen McMillan m'a soutenu dans des moments difficiles sur le plan personnel. Jennifer Joseph, qui a déjà travaillé au Sénat pendant qu'elle faisait une maîtrise et qui parle cinq langues, occupe maintenant un poste gouvernemental important. Dominique Hyde est venue travailler pour moi alors qu'elle avait 17 ans, et pouvait organiser à elle seule les déplacements de tout un groupe de travail. À 25 ans, elle est maintenant chef de projets alimentaires pour la FAO, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, en Afrique de l'Ouest francophone. Trina Boyd était une de nos pages. Plusieurs d'entre vous se rappelleront cette belle grande blonde qui faisait rire tout le monde et savait faciliter la vie quotidienne des sénateurs.

Natalia Nuño. Catherine V-LaFlamme, qui ne mesure que 4 pieds 10 pouces, a remporté une compétition et a eu l'honnêteté de me dire qu'elle était séparatiste. Je lui ai demandé si elle serait loyale. Elle m'a répondu par l'affirmative. Et elle n'a pas manqué à sa parole. Sophie Galarneau travaille maintenant au bureau de presse du premier ministre. Natalie Slawinski termine ses études de russe à Saint-Pétersbourg. Christine Lenovvel était notre page en chef et une très bonne amie.

Avec Elisabeth Sharp et Catherine Larrivée, je vous le jure, je n'ai pas à prendre connaissance d'un document qui n'est pas essentiel. Je n'ai pas à m'inquiéter de la correspondance. C'est merveilleux de les avoir à sa disposition, elles sont la fine fleur de la prochaine génération, et elles font que c'est toujours un plaisir de se rendre à son bureau. Engagez-les.

 


AFFAIRES COURANTES

Le commissaire à l'information

Avis de motion portant approbation de sa nomination

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que lundi prochain, 15 juin 1998, je proposerai:

Que, conformément à l'article 54 de Loi sur l'accès à l'information, chapitre A-1, LRC (1985), le Sénat approuve la nomination de l'honorable John M. Reid, C.P., au poste de commissaire à l'information.

[Français

L'Assemblée internationale des parlementaires de langue française

Dépôt des rapports de la section canadienne de la réunion tenue à Québec

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, en vertu de l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française ainsi que le rapport financier du Forum sur les inforoutes en Francophonie parlementaire, tenu le 20 avril 1998 à Québec.

Honorables sénateurs, en vertu de l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne ainsi que le rapport financier à la Commission de l'éducation, de la communication et des affaires culturelles de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, tenue les 21 et 22 avril 1998 à Québec.

[Traduction

La sécurité des transports

La formation d'un comité spécial du Sénat-Avis de motion

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je donne avis que lundi prochain, le 15 juin 1998, je proposerai:

Qu'un comité spécial du Sénat soit formé pour examiner, afin de présenter des recommandations, la question de la sécurité des transports au Canada et à mener une étude comparative des mécanismes techniques, juridiques et réglementaires, dans le but de vérifier que la sécurité des transports au Canada est d'une qualité telle qu'elle répondra aux besoins du Canada et des Canadiens au prochain siècle;

Que le comité soit composé de sept sénateurs, dont trois constituent un quorum;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à faire produire des documents et dossiers, à entendre des témoins, à faire rapport de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages, qu'il juge à propos;

Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le sous-comité de la sécurité des transports du comité permanent des transports et des communications durant la deuxième session de la trente-cinquième législature et de la première session de la trente-sixième législature soient déférés au comité;

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour son étude;

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux;

Que le comité soit autorisé à voyager à l'intérieur et à l'extérieur du Canada;

Que le comité présente son rapport final au plus tardle 31 mars 1999; et

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé devant cette Chambre.

 

L'environnement

Les rapports sur le développement durable - Avis d'interpellation

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je donne avis que lundi prochain, le 15 juin 1998, j'attirerai l'attention du Sénat sur le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable à la Chambre des communes pour l'année 1998 ainsi que sur le rapport du comité permanent sur l'environnement et le développement durable intitulé: «L'intérêt public d'abord! L'application des lois canadiennes sur la pollution.»

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

L'appui accordé à la position de l'OTAN sur la situation au Kosovo, en Yougoslavie-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au leader du gouvernement au Sénat. Le leader peut-il nous dire si le gouvernement canadien compte engager les forces militaires du Canada dans une démonstration de force de l'OTAN ce week-end en Albanie et en Macédoine afin de montrer la détermination de l'OTAN vis-à-vis de la purification ethnique du Kosovo par la Serbie?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je devrai me renseigner. Je sais qu'il y a eu certaines discussions à cet égard et je vais essayer de me renseigner le plus tôt possible. Si je peux obtenir une réponse avant la fin de la séance d'aujourd'hui, j'en informerai le sénateur Forrestall.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, c'est le genre de question que j'ai posée à plusieurs reprises au cours des dernières années sur l'utilité de tenir un débat avant d'envoyer les troupes canadiennes sur des théâtres de guerre. Par conséquent, je suis d'autant plus reconnaissant au leader pour sa réponse.

 

La défense nationale

La formation et le déploiement des réservistes-L'insuffisance de la ration alimentaire-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Le leader du gouvernement peut-il m'expliquer pourquoi les réservistes en formation, dont un bon nombre sera appelé si le Canada accroît sa participation militaire, doivent payer pour la nourriture qu'ils consomment au-delà de la ration alimentaire jugée acceptable par le gouvernement? Je pense, par exemple, à un athlète qui serait obligé de manger plus que la moyenne des gens.

Au fait, pourquoi n'avons-nous pas encore obtenu de réponse au sujet de la nécessité d'équiper nos troupes avec des vêtements d'occasion achetés dans des magasins de la région de Montréal, ou le leader du gouvernement est-il en mesure de répondre maintenant à cette question?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): J'ai discuté de cette question avec le ministre de la Défense nationale. Elle me préoccupe et préoccupe tout particulièrement le ministre. Je sais que toute l'affaire est actuellement à l'étude et je communiquerai plus de détails à l'honorable sénateur dès qu'ils seront disponibles.

 

Les accusations de mauvais traitements et d'agressions portées contre des membres des forces armées-La position du gouvernement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, nous avons tous vécu un moment éprouvant, hier soir, en entendant le témoignage d'une jeune femme, Ann Margaret Dickey, qui s'est vidé le coeur en portant des accusations de viol et de torture, des actes tellement dégradants qu'on ne s'attendrait pas à les voir se produire dans notre pays. Mme Dickey a accusé des membres des forces armées de l'avoir violée et battue. Cette expérience pénible m'a tellement touché que j'ai jugé opportun de poser une question à ce sujet aujourd'hui, au moins pour obtenir des éclaircissements.

Selon le journal The Gazette, Mme Dickey affirme avoir fait appel aux ministres de la Défense Doug Young, David Collenette et Art Eggleton. J'ai été informé ce matin qu'elle a peut-être également fait appel à son député, le solliciteur général, M. Andy Scott.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il vérifier si Mme Dickey a effectivement fait appel à quatre ministres?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je m'informerai volontiers pour savoir s'il s'agit de quatre ministres. Toutefois, comme le disait l'honorable sénateur, la question n'est pas là. L'important est le caractère horrible des circonstances. C'est une situation honteuse et répugnante. Je sais que cette affaire fait l'objet d'une enquête très sérieuse de la part des responsables des forces armées et je tenterai d'obtenir un rapport complet le plus tôt possible.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, si les allégations de cette jeune femme sont véridiques, si elle a effectivement fait appel à ces ministres et si, comme on nous l'a dit, ils lui ont répondu qu'ils ne pouvaient rien faire, le leader du gouvernement pourrait-il leur faire part, en termes énergiques, de notre volonté de les voir démissionner?

Le sénateur Graham: Nous devrions sans doute attendre de connaître tous les faits. L'honorable sénateur comprendra que le ministre de la Défense nationale accorde une attention toute particulière aux affaires de ce genre, tout comme le chef d'état-major de la Défense et tous les hauts gradés des forces armées. Des plus simples militaires aux plus hauts gradés, tous considèrent urgent de mettre un terme à des situations pareilles.

Je sais que tous les honorables sénateurs sont très fiers du travail de nos forces armées, auxquelles ils souhaitent tout le succès possible, et qu'ils les encourageront à coopérer pour mener pleinement cette affaire à terme.

 

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question que l'honorable sénateur J. Michael Forrestall a posée au Sénat le 12 mai 1998 concernant l'obligation des réservistes de renoncer à leurs avantages médicaux au moment de leur retraite de l'armée, le prétendu manque de fonds pour la formation des réservistes, la restriction de la durée de la formation et l'annulation d'un exercice annuel.

 

La défense nationale

L'obligation des réservistes de renoncer à leurs avantages médicaux au moment de leur retraite de l'armée-Le prétendu manque de fonds pour la formation des réservistes-La restriction de la durée de la formation et l'annulation d'un exercice annuel-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorableJ. Michael Forrestall le 12 mai 1998)

Les membres de la Force régulière qui prennent leur retraite ne sont pas automatiquement admissibles au Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP) (anciennement connu sous le nom de Régime d'assurance collective chirurgicale-médicale). C'est-à-dire qu'à leur retraite, ces militaires doivent choisir de souscrire eux-mêmes au Régime de soins de santé de la fonction publique et doivent choisir aussi d'assurer la protection de leurs personnes à charge en vertu de ce même régime. L'établissement de régimes d'assurance dans le cadre du RSSFP fait partie des formalités que les militaires doivent remplir lorsqu'ils se préparent à leur libération des Forces canadiennes.

L'assurance-santé est offerte aux membres de la Première réserve lorsqu'ils ne peuvent obtenir aucune autre assurance. La majorité des membres de la Première réserve ont une assurance-santé complémentaire dans le cadre d'un autre emploi; seulement un petit nombre de réservistes sont donc couverts par le RSSFP dans le cadre de leur emploi dans les FC. Étant donné ce petit nombre, on n'a pas offert de protection facultative après la libération aux membres de la Réserve.

À ce que sache le Ministère, aucune réunion n'a été tenue à ce sujet à Kingston pendant la période en question. Il y a eu toutefois une réunion à Gagetown, où il a été question de la rationalisation de certaines activités d'instruction, y compris les cours de génie de niveau national dispensés aux réservistes. Le nombre de cours à l'intention des réservistes seront donnés à Gagetown jusqu'au niveau de qualification 6 (anciennement qualification de métier 6) et, dans certains cas, jusqu'au NQ7.

À l'heure actuelle, dans le Secteur de l'Atlantique de la Force terrestre, la milice reçoit un financement pour 65 jours d'instruction. Cela comprend 32 jours d'instruction locale au niveau de l'unité et 33 jours d'instruction au niveau national et du secteur. Pour ce qui est de l'instruction collective au-dessus du niveau de l'unité, la préférence, dernièrement, a été donnée aux exercices de niveau de la brigade, qui sont considérés comme plus économiques que d'autres activités d'instruction collective (par exemple les stages d'instruction collective d'été au niveau du secteur). Les activités d'instruction au niveau de la brigade se tiendront cette année conformément aux priorités fixées par le Secteur de l'Atlantique. Il n'y a eu aucun changement pour ce qui est des 32 jours consacrés à l'instruction au niveau de l'unité.

 

Dépôt de la réponse à une question au Feuilleton

L'énergie-Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien-Le respect de la Loi sur les carburants de remplacement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 96, inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.

 

Les travaux du Sénat

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, madame le leader adjoint du gouvernement pourrait-elle nous donner la liste des travaux du Sénat pour les prochains jours, la semaine prochaine en particulier, étant donné que, des deux côtés, les sénateurs tentent d'élaborer des plans d'urgence? Par exemple, que pouvons-nous prévoir au Feuilleton? Les travaux dont nous serons saisis porteront-ils surtout sur les projets de loi actuellement inscrits au Feuilleton?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, plusieurs projets de loi nous seront envoyés par la Chambre des communes. Toutefois, le Sénat étudiera ces projets de loi d'une façon rationnelle et raisonnable, sans que la moindre pression ne soit exercée de ce côté-ci pour accélérer leur étude s'ils ne sont pas déjà au stade du comité en ce moment. Le projet de loi C-29 que nous étudions depuis plusieurs jours à l'étape de la deuxième lecture fait exception. Tout projet de loi qui nous parviendra aujourd'hui ou lundi fera l'objet de la procédure habituelle du Sénat, sans que les sénateurs de ce côté-ci n'exercent la moindre pression.

(1430)

J'aimerais vous donner une idée des heures de séance. Comme je l'ai mentionné hier, le Sénat ne siège pas demain. Nous siégeons lundi soir à 19 h 30, puis chaque jour la semaine prochaine, y compris vendredi, dans l'espoir de terminer alors tous nos travaux.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, pourrait-on avoir l'assurance de madame le leader adjoint ou du leader qu'un vote pourra être pris sur une motion inscrite à mon nom depuis le 7 mai, concernant l'indemnisation de certaines victimes du sang ou de produits sanguins contaminés? Pourrions-nous nous prononcer sur cette motion avant le congé d'été?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la motion fait toujours l'objet d'un débat. Il reste plusieurs sénateurs de ce côté-ci qui voudraient intervenir sur cette motion. À l'heure actuelle, il m'est impossible de confirmer que la motion fera l'objet d'un vote la semaine prochaine.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'espère que ces sénateurs interviendront aujourd'hui et lundi, parce que nous allons certainement recourir au Règlement pour qu'un vote soit pris avant le congé d'été, peu importe quand il viendra.

 


[Français

ORDRE DU JOUR

La Loi sur la marine marchande du Canada

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Léonce Mercier propose: Que le loi C-15, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada et d'autres lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Traduction

Projet de loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie

Troisième lecture-Suspension du débat

L'honorable Jean B. Forest propose: Que le projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole, en tant que sénateur chargée de piloter le projet de loi, pour lancer le débat en troisième lecture du projet de loi C-6, Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, une mesure qui aura des répercussions positives sur le Nord, mais aussi une mesure qui a provoqué un grand débat. J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi, car il représente une bonne politique gouvernementale et vise à mettre en place dans la vallée du Mackenzie un système de gestion des ressources unifié, efficace et suffisamment flexible pour s'adapter aux ententes à venir en matière de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 va permettre d'atteindre plusieurs objectifs importants. Pour la première fois. il va donner aux autochtones un rôle clair de décideurs en matière de gestion des ressources sur toutes les terres de la vallée du Mackenzie. Il remplira des engagements du gouvernement du Canada découlant des ententes sur la revendication territoriale globales conclues avec les Gwich'in et avec les Dénés et les Métis du Sahtu. Il assurera la protection de l'écosystème de la vallée du Mackenzie grâce à l'établissement d'un système unifié de gestion tenant compte du fait que la vallée du Mackenzie constitue un seul et unique système. Il fournira un environnement stable propice à la croissance économique et à la création d'emplois et de sources de revenu pour les habitants du Nord, et il contribuera au bon gouvernement de la région.

Au cours des cinq dernières années, un grand nombre de personnes et d'organismes ont travaillé ensemble pour élaborer ce projet de loi complexe et détaillé. Il est le fruit de plusieurs années de consultations dans tout le Nord. On a tenu plus de 20 réunions avec les groupes concernés de la vallée du Mackenzie pour examiner l'avant-projet de loi. On en a élaboré 35 versions différentes en tenant compte des observations des diverses parties. On a fait la tournée des localités pour expliquer le projet de loi, et les Premières nations ont reçu des fonds pour examiner le projet de loi. C'est grâce au dialogue collectif des parties intéressées, à leur patience et à leur persévérance que le Sénat est maintenant saisi de ce projet de loi qui se faisait attendre depuis longtemps.

Je voudrais reconnaître les efforts des dirigeants des Dénés et des Métis du Sahtu et de la Première nation Gwich'in. Non seulement ces gens ont fait preuve de leadership au nom de leur propre peuple pour négocier ce régime, mais ils ont été disposés à tenir compte des besoins des autres. Cette capacité de faire des compromis marque les relations entre les autochtones et les non-autochtones dans le Nord, depuis de nombreuses années.

Il faut également féliciter les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest pour avoir négocié un régime de cogestion des ressources, qui est solide mais souple. Les industries primaires ont également participé à l'élaboration du projet de loi C-6. Elles ont appuyé un régime qui est équitable et efficace et n'entraîne pas un ensemble disparate de systèmes conduisant à la confusion et à l'exaspération.

Alors que nous étudions le projet de loi C-6 en troisième lecture, je voudrais expliquer en détail ces points. Cette mesure législative va permettre au Canada de respecter une obligation constitutionnelle. Les ententes sur le règlement des revendications territoriales de la Première nation Gwich'in et des Dénés et Métis du Sahtu prévoient l'établissement de régimes de cogestion des ressources qui permettront aux autochtones d'avoir leur mot à dire dans les décisions qui touchent les terres, les eaux et les ressources naturelles de la vallée du Mackenzie.

Les sénateurs seront peut-être intéressés d'apprendre que la cogestion dans la vallée du Mackenzie remonte aux efforts déployés au début et au milieu des années 80 et qui ont abouti à l'accord des Dénés et des Métis en 1990. Malheureusement, l'accord n'a pas été ratifié à cause de craintes au sujet de l'extinction des droits.

La cogestion est restée un élément clé des accords sur les revendications territoriales du Sahtu et des Gwich'in signés en 1992 et en 1993 par l'ancien gouvernement conservateur. Ces accords prévoyaient également la cogestion par une commission d'examen de l'impact environnemental dans toute la vallée. Le projet de loi C-6 cadre bien avec l'intention que traduisent ces deux accords sur les revendications territoriales et les projets de loi qui les mettent en oeuvre, projets de loi adoptés en 1992 et en 1994 avec l'appui des députés conservateurs et libéraux.

Le fleuve Mackenzie est l'un des grands cours d'eau du monde et son bassin hydrographique se situe au troisième rang en Amérique du Nord. Il s'agit d'un écosystème unique d'une extrême importance dans l'environnement canadien. Les décisions prises dans le sud de l'écosystème ont des répercussions plus au nord. Les habitants de telle ou telle région de la vallée peuvent subir les conséquences des décisions prises dans une autre. Le projet de loi proposé reconnaît que la vallée du Mackenzie est un écosystème complexe et délicat qu'il faut protéger. C'est pourquoi le régime de cogestion des ressources s'étend à la totalité de la vallée.

Faute d'un système qui vaudrait pour toute la vallée, nous devrions avoir des régimes distincts pour chacune des régions. Il est presque unanimement reconnu que ce serait une mauvaise solution, tant du point de vue de la gestion que pour la protection de l'environnement.

Honorables sénateurs, si l'application du projet de loi est limitée aux Gwich'in et aux habitants du Sahtu, on ne pourra pas tenir compte du fait que l'écosystème de la vallée est une entité unique. Il y aurait cogestion dans le Nord tandis que, dans le sud, le MAINC et l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest continueraient de prendre les décisions. Ce projet de loi ne contient aucune disposition qui permettrait à ces deux systèmes de fonctionner ensemble dans le cas de projets pouvant avoir des répercussions sur l'ensemble de la vallée. De plus, honorables sénateurs, pour limiter l'application de ce projet de loi, il faudrait rouvrir les accords relatifs aux revendications territoriales des Gwich'in ainsi que des Dénés et Métis du Sahtu. Un système intégré donnant aux gens un rôle dans la prise de décisions pour l'ensemble de la vallée, et non seulement pour les régions désignées, représente une bonne politique gouvernementale et est, à mon avis, très sensé.

(1440)

Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones a entendu des témoins qui ont dit craindre que le projet de loi ait une incidence sur les négociations en cours relativement aux revendications territoriales. En tant que membre du comité, je sais que mes collègues au sein de ce comité sont conscients du fait qu'il y a encore des revendications territoriales non réglées dans le Nord. Ils espèrent que ces revendications seront réglées très bientôt, et je sais que le gouvernement travaille activement à la négociation d'ententes à cet égard.

Je crois que ce projet de loi donne la flexibilité nécessaire pour tenir compte des futurs accords relatifs aux revendications territoriales. Aux termes du paragraphe 8(2), le ministre est tenu, dans le cadre des négociations relatives aux revendications territoriale ou à l'autonomie gouvernementale, de procéder, en collaboration avec les Premières nations, à l'examen des dispositions pertinentes du projet de loi. Les lois de mise en oeuvre des futurs accords pourront, le cas échéant, modifier la mesure dont nous sommes saisis.

Par ailleurs, honorables sénateurs, il est précisé au paragraphe 5(2) que le projet de loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants, ancestraux ou issus de traités, qui sont confirmés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Enfin, de nombreuses dispositions de ce projet de loi exigent la tenue de consultations avec toutes les Premières nations de la vallée du Mackenzie. Il est également important de signaler que les Premières nations qui n'ont pas signé un accord relatif aux revendications territoriales ne sont pas exclues de la participation à ce régime. La ministre a écrit aux Premières nations pour leur demander de nommer les personnes qui participeront à ce régime de cogestion. Toutes les Premières nations ont la possibilité de participer à ce régime, et le projet de loi donne la flexibilité nécessaire pour tenir compte des résultats des futurs accords relatifs aux revendications territoriales.

Sous le régime instauré par le projet de loi C-6, les peuples autochtones participeront aux décisions concernant l'ensemble de la vallée, pas uniquement les régions désignées. Il ne fait aucun doute que le nouveau régime donnera aux peuples autochtones une meilleure représentation et une plus grande participation aux processus décisionnels que c'est le cas en ce moment. De plus, les non-autochtones siégeront aux côtés des représentants des Premières nations et des Métis au sein des offices de gestion de l'ensemble de la vallée. Tous les habitants du Nord pourront participer aux audiences et aux consultations publiques sur la gestion des ressources.

Honorables sénateurs, il s'agit de la cogestion des ressources dans le sens le plus vrai du terme. Ce système protégera l'écosystème de la vallée du Mackenzie, soutiendra la croissance et la diversification de l'économie et jettera des assises solides pour l'évolution future du gouvernement public dans le Nord.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-6 est un projet de loi complexe. Il suscite de vives émotions et a donné lieu à des débats enflammés sur des questions délicates. Cependant, après avoir écouté et pesé soigneusement les arguments des partisans du projet de loi et les préoccupations de ses détracteurs, la majorité des membres du comité est arrivée à la conclusion qu'il permettrait d'instaurer un régime perfectionné de cogestion intégrée de la vallée du Mackenzie.

Pour les nombreuses raisons que j'ai énumérées, j'exhorte les honorables sénateurs à appuyer avec moi le projet de loi C-6, à l'étape de la troisième lecture.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je veux également aborder le projet de loi C-6. Je tiens à préciser tout d'abord que je ne m'oppose en rien au concept et au principe de la cogestion. En fait, la cogestion de l'ensemble des ressources de la vallée du Mackenzie est souhaitable. Il s'agit d'une initiative bien réfléchie et digne de notre appui.

D'ailleurs, le concept de la cogestion est incorporé dans l'entente conclue avec les Dénés et les Métis au début des années 90. Cela faisait partie du cadre de travail qu'ont approuvé toutes les parties, tant le gouvernement fédéral que les autres ordres de gouvernement, de même, je crois, que les leaders des Métis et des Premières nations.

Le problème avec le projet de loi C-6 ne tient pas à la crédibilité, à la viabilité ou à la nécessité de la cogestion des terres et des eaux. Je n'ai vu aucun membre du comité ni aucun témoin rejeter ce concept. Il s'agit d'une bonne politique environnementale, d'une bonne mesure de gestion des terres et d'une bonne politique gouvernementale. Là n'est pas le problème.

Il faut examiner les événements qui ont mené au projet de loi C-6. À la fin des années 80, le gouvernement fédéral a tenté d'instaurer, en vue des négociations avec les peuples autochtones de la vallée du Mackenzie, un cadre qui tienne compte de tous les groupes visés et de toutes les questions à aborder. Un accord de principe a été conclu, mais, comme le sénateur Forest l'a fait remarquer, il n'a jamais été ratifié. Par conséquent, le gouvernement et les leaders autochtones ont dû refaire leurs devoirs.

À l'époque, le gouvernement n'a pas abandonné les principes de l'accord-cadre, pas plus que de nombreux groupes autochtones, mais la priorité a été accordée aux négociations sur les revendications territoriales, qui sont devenues essentielles pour bon nombre de ces groupes. Le conseil tribal des Gwich'in et les groupes du Sahtu ont réussi à signer un règlement des revendications territoriales. Au Sénat, nous avons adopté ces deux mesures législatives en 1992 et en 1994. Ces accords prévoyaient un délai de deux ans. Au cours de cette période de deux ans, la gestion des terres et des eaux devait être réglée avec les groupes du Sahtu et le conseil tribal des Gwich'in.

Toutefois, le délai de deux ans n'a pas été respecté. Au moment où nous sommes saisis de ce projet de loi, la question demeure en suspens même après quatre ans exactement. L'esprit des accords conclus avec les Gwich'in et les groupes du Sahtu a été observé, mais pas la lettre, puisque le délai n'a pu être respecté.

Je le répète, le projet de loi C-6 ne pose pas un problème de temps aux Gwich'in ni aux Dénés et aux Métis du Sahtu, car ceux-ci ont fait savoir qu'ils sont très satisfaits de l'entente. Ce qui est vraiment en litige, c'est le fait que lorsque les Gwich'in et les Dénés et les Métis du Sahtu ont signé l'entente, aucune méthode d'aménagement du sol ou de gestion de l'eau n'était en vigueur. Il n'existait qu'un principe. Par suite des ententes, un accord sur l'aménagement du sol et une gestion mixte de l'eau a été inclus pour toute la région. Ce principe couvre les terres qui font maintenant partie des régions contestées.

(1450)

Lorsque les Dénés et les Métis du Sahtu et les Gwich'in ont signé leurs ententes, ils ont eu toutes les occasions possibles de débattre toutes les questions concernant leurs terres et les lois corollaires qui en découlent. Nous avons appris au comité que, par suite des ententes signées par les Dénés et les Métis du Sahtu et les Gwich'in et par suite du projet de loi C-6, d'autres groupes ne pourront pas négocier leurs revendications territoriales librement comme les Gwich'in et les Dénés et les Métis du Sahtu ont pu le faire. Nous avons entendu le conseil tribal métis du South Slave, l'alliance métisse du North Slave, le conseil des Dog Rib assujetti au traité no 11, la nation dénée, les Premières nations du Deh Cho et le conseil tribal du territoire Akaitcho. Tous ces groupes ont demandé instamment que le projet de loi C-6 ne soit pas mis en vigueur. Ils étaient très conscients et respectueux du fait qu'il y avait une entente avec les Gwich'in et les Dénés et les Métis du Sahtu. Ils ne voyaient pas d'objection à ce que le gouvernement s'occupe de leur partie. Ils comprenaient très bien aussi qu'un accord global de gestion de la vallée du Mackenzie est souhaitable. Toutefois, lorsqu'on leur a demandé de tenir compte de cela, ils n'ont pas pu faire passer ce principe avant leur droit de négocier les revendications territoriales.

En fait, à la Chambre des communes, le député de South Shore, M. Keddy, a présenté ce que j'appellerais des «dispositions d'appoint» afin d'assurer que leurs droits inhérents ne soient en aucune manière abrogés ni entravés. Il semble que ces dispositions n'étaient pas suffisantes pour les groupes qui se sont présentés, car ils estimaient que ce projet de loi s'appliquerait. En fait, un groupe trouvait que le projet de loi C-6 s'appliquait déjà dans ses négociations. Quoique des faits démentaient cela - et je ne suis pas du tout sûre que le gouvernement a commencé les négociations en faisant peut-être allusion au projet de loi C-6, cette situation les mettaient quand même mal à l'aise.

J'ai accordé beaucoup d'importance à ce qui s'est produit au sein du comité. Des groupes sont venus témoigner - certains ont comparu en personne, parfois en faisant de grands sacrifices personnels, d'autres ont eu recours à la téléconférence. Ils ont exposé leur position avec beaucoup d'intégrité et ils ont consciencieusement veillé à ce qu'elle ne gêne pas la Première nation du Sahtu ni celle des Gwich'in. En fait, la Première nation du Sahtu et celle des Gwich'in ont dit qu'elles voulaient que leurs accords entrent en vigueur et qu'elles ont déjà attendu quatre ans.

Elles ont reconnu aussi l'importance d'une gestion globale de la vallée du Mackenzie, mais elles nous ont dit que ce qui est vraiment nécessaire dans leur région, c'est la cogestion. Toutefois, ce qui est important, d'après mon évaluation de la situation, c'est qu'elles n'ont pas réclamé à tout prix une gestion globale.

Notre comité avait une responsabilité, celle d'écouter les témoignages et d'examiner les préoccupations de groupes qui ont dit, avec beaucoup de conviction et avec intégrité, que le projet de loi nuirait à leurs négociations concernant les revendications territoriales. C'est une question extrêmement délicate pour les autochtones et pour ceux d'entre nous qui vivent dans des régions visées par le gros des revendications territoriales des autochtones.

Nous savions aussi que la ministre, qui comprend parfaitement certains de ces dilemmes, voulait voir le projet de loi adopté. Le comité l'a invitée à participer à une de ses séances pour qu'elle y explique son point de vue. À mon avis, ce qui s'est produit par la suite a été fort malheureux. On ne sait pas trop si la ministre a eu un empêchement, si elle n'était pas disposée à nous rencontrer ou si elle n'en a pas eu le temps. Toujours est-il qu'elle n'a pas comparu devant le comité.

Les différents membres du comité qui représentent le parti ministériel ont, et c'est tout à leur honneur, amorcé des discussions avec la ministre et avec le ministère et ils nous en ont rendu compte. Je reconnais que ces membres du comité ont le droit de rencontrer la ministre - en fait, je les encourage à la rencontrer pour tenter d'aplanir certaines divergences de vues - mais il reste que ce sont eux qui ont servi d'intermédiaire pour nous présenter l'opinion de la ministre. À mon avis, ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder.

Le sénateur Forest a fait certaines remarques au sujet du fait que la ministre n'était pas à l'aise de comparaître devant le comité.

Par la suite, nous avons entendu notre président et nous avons reçu une lettre adressée à ce dernier, dans laquelle étaient mentionnés certains des engagements de la ministre. Ces derniers semblent être le résultat direct des conversations avec les sénateurs ministériels. C'était toutefois leurs préoccupations, mais pas vraiment les nôtres. Certains d'entre nous n'ont pas eu l'occasion de recevoir des éclaircissements sur les points qui les préoccupaient et de demander d'autres engagements.

Voici la situation dans laquelle se trouve le comité: tous les groupes autochtones ont comparu devant nous et ont clairement exposé leur position avec intégrité, mais la ministre ne nous pas présenté son point de vue. On nous a dit que des dispositions comme l'article 8 seraient jugées acceptables, par conséquent, que la ministre, en toute bonne foi, pourrait continuer de négocier que les revendications territoriales, et que le projet de loi C-6 ne leur porterait pas préjudice. Cependant, si on lit attentivement l'article 8 du projet de loi C-6, on constate qu'il est dit que le ministre fédéral est «tenu» - et j'attire votre attention sur ce mot - de consulter les Premières nations au sujet de toute modification de la présente loi.

Rien ne dit que le ministre est tenu de les consulter à la conclusion des négociations sur les revendications territoriales. Encore une fois, c'est à la discrétion du ministre de donner satisfaction à tous ces autres groupes sur leurs revendications territoriales. Il doit consulter les intéressés uniquement si une modification est proposée à la loi. Cela les place dans une position défavorable.

Le paragraphe 8(2) se lit comme suit:

Le ministre fédéral est aussi tenu, dans le cadre des négociations relatives à l'autonomie gouvernementale de toute Première nation, de procéder, en collaboration avec celle-ci, à l'examen des dispositions pertinentes de la présente loi.

Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord avec le sénateur Forest, qui soutient que cela comprend les revendications territoriales. L'autonomie gouvernementale inhérente peut s'appliquer ou ne pas s'appliquer aux revendications territoriales et aux différends relatifs aux territoires. En conséquence, s'ils ne règlent que les revendications territoriales, rien n'oblige la ministre à les consulter sur les conséquences des revendications territoriales. Je ne trouve rien de bien rassurant dans cet article, et je pense que les groupes d'autochtones qui ont comparu devant notre comité sont du même avis.

Honorables sénateurs, le 9 juin 1998, le sénateur Pitfield a déclaré avec une grande éloquence que le Sénat devait être une tribune où l'on réglait les différends. Comme on peut le voir à la page 1705 du hansard du Sénat, il a ajouté:

 

Cette institution, cette Chambre dans laquelle nous avons le privilège de siéger devait être un élément de pacification, un lieu d'échanges plus ouverts, une tribune où il était possible d'exposer des idées et des aspirations.
Honorables sénateurs, on m'a demandé, en tant que membre du comité des peuples autochtones, d'adopter un projet de loi en fonction seulement de conversations rapportées avec la ministre. Pour une raison quelconque, la ministre n'a pas témoigné devant le comité. J'ai beaucoup de respect pour elle et je la surveille de près pour voir comment elle s'acquitte de son travail avec la communauté autochtone. En toute franchise, j'ai été scandalisée qu'elle ne vienne pas aider notre comité. Ce refus ne cadrait pas avec son ouverture d'esprit, son empressement et sa franchise dans le traitement des questions autochtones.

Elle nous a dit que sa comparution devant le comité pourrait nuire à certaines revendications territoriales. Nous n'étions pourtant pas là pour négocier des revendications territoriales. Il s'agissait de trouver une façon de sortir de l'impasse entre les groupes qui ont le sentiment d'être lésés et la ministre, qui voulait un régime exhaustif de cogestion. Ainsi, j'ai été forcée de choisir entre une bonne notion environnementale et la nécessité, le droit et la responsabilité de respecter les peuples autochtones.

Nous, au Sénat, avons une obligation fiduciaire à l'égard des peuples autochtones. Je ne prends pas cette obligation à la légère. Si la ministre avait assisté à notre réunion, elle aurait peut-être pu trouver une façon, avec un engagement ou pas, de négocier pour se sortir de cette impasse. Cependant, nous n'avons pas pu profiter de ce respect ou de ce droit.

Étant donné cela, si je devais adopter ce projet de loi, je me rangerais du côté de la ministre, alors que tout ce que je sais de sa position, ce sont des observations qui m'ont été rapportées. Je serais alors obligée de rejeter les opinions et les requêtes que les groupes autochtones sont venus eux-mêmes défendre. Jusqu'à maintenant, ils n'ont pas dit qu'ils étaient d'accord avec ce projet de loi et il n'y a rien dans l'entente avec les Gwich'in ou les Dénés ou Métis du Sahtu qui dit qu'il doit y avoir une cogestion globale. On dit simplement que cela doit s'exercer dans leurs domaines de compétence respectifs.

Si ce projet de loi n'est pas adopté, cela veut dire que les deux systèmes ne sont pas bien harmonisés.

Honorables sénateurs, cela fait quatre ans que nous examinons la question. Si nous avons pu supporter une attente de quatre ans, nous pouvons continuer à attendre sans compromettre indûment les droits des peuples autochtones. Voter en faveur de ce projet de loi, ce serait dire: «Vous êtes venus ici mais peu importe ce que vous avez dit. Nous tiendrons compte de la position de la ministre telle qu'elle nous a été rapportée de deuxième ou de troisième main.»

Le dernier témoin - celui qui a fait les compromis - est un fonctionnaire du ministère qui a reconnu que le principe de cogestion était bien là. Tout le monde l'a reconnu. Personne ne le conteste. Il a reconnu que, dans les accords qu'ils ont conclus, les Sahtu et les Gwich'in n'étaient pas liés par un système de cogestion alors que les autres groupes le seront. À mon avis, il serait nuisible de ne pas vouloir mettre ces groupes sur le même pied d'égalité avec les Sahtu et les Gwich'in. Je ne crois pas que ce soit une bonne politique. Je ne crois pas que cela serve nos intérêts.

Pendant cent ans, nous avons demandé aux peuples autochtones de nous faire confiance. Je ne crois pas qu'en adoptant le projet de loi C-6, nous mettions fin à notre attitude paternaliste envers eux.

Je ne suis pas certaine que j'aurais appuyé ces groupes si la ministre nous avait présenté des arguments convaincants - ce qu'elle a fait apparemment - mais cela nous l'ignorions. Je ne prendrai pas parti contre les peuples autochtones tant que je n'aurai pas bien et équitablement pesé les arguments des deux parties. Je pense que ce n'est pas rendre service au Sénat, et surtout aux Canadiens qui doivent commencer à négocier de façon équitable avec les peuples autochtones.

Honorables sénateurs, c'est avec regret que je n'appuie pas cette mesure législative. Si nous avions pu entendre ce qu'a à dire la ministre, nous aurions peut-être pu trouver un terrain d'entente. Je demande au gouvernement de ne plus remettre le Sénat, les comités sénatoriaux et les sénateurs dans cette position. Ce n'est pas bon et cela ne favorise pas l'esprit de coopération qui doit régner dans nos négociations avec les autochtones. Je regrette, mais je ne peux pas voter en faveur de ce projet de loi.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-6. Comme certains l'ont déjà mentionné, le projet de loi tend à créer de nombreux offices administratifs ou tribunaux chargés de l'aménagement territorial et de la gestion des eaux de même qu'un Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie. Cet office a compétence sur une vaste superficie appelée la vallée du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, région que j'ai visitée, en tant que sénateur et député, et où j'ai séjourné.

Étant intervenu à l'étape de la deuxième lecture et participé activement aux séances du comité sénatorial permanent des peuples autochtones, lorsqu'il a examiné le projet de loi, j'avais espéré être en mesure aujourd'hui, à l'instar du sénateur Andreychuk, de féliciter le gouvernement pour les changements prévus dans ce projet de loi et pour la tenue d'audiences exhaustives. Malheureusement, le gouvernement n'a pas écouté ce qu'on lui a dit. Il n'a pas écouté les témoins. Pis encore, il a choisi tout simplement de ne pas tenir compte des travaux du comité.

Les questions que suscite le projet de loi sont remarquablement simples et ont été fort bien résumées par le sénateur Andreychuk. Seulement deux des huit groupes autochtones occupant la superficie visée par le projet de loi ont réglé leurs revendications territoriales avec le gouvernement fédéral. Ces ententes prévoient la création d'offices d'aménagement territorial et de gestion des eaux sur le territoire visé par les règlements des revendications territoriales. Pour des raisons qui m'échappent encore ou que je n'ai pas réussi à élucider, le gouvernement a décidé de créer les offices prévus dans les ententes territoriales, mais aussi d'aller plus loin en créant des offices d'aménagement territorial, des offices des eaux et des offices d'examen des répercussions environnementales pour régir l'ensemble de la vallée du Mackenzie. Naturellement, cette initiative a irrité les gens qui vivent dans ce territoire élargi et qui, dans bien des cas, n'ont même pas été consultés au sujet du projet de loi C-6 avant qu'il ne soit déposé au Parlement.

Le conseil tribal des Métis de South Slave, l'Alliance des Métis de North Slave, le Dog Rib Treaty 11 Council, la nation dénée, les Premières nations Deh Cho et le conseil tribal territorial Akaitcho craignent que l'adoption de ce projet de loi ne porte préjudice à leurs négociations sur les revendications territoriales et n'affecte leurs titres autochtones. Ils veulent - c'est pour eux une question de dignité - être en mesure de négocier à titre individuel les contrôles sur l'utilisation des terres et des eaux, plutôt qu'ils ne leur soient imposés par Ottawa.

Honorables sénateurs, j'ai demandé explicitement à chacun de ces groupes si cette mesure législative réduirait leur aptitude à négocier dans le cadre de leurs revendications territoriales, et ils ont tous répondu par un oui catégorique.

Les groupes autochtones qui ont comparu devant nous, ou bien ils se sont opposés à l'adoption de ce projet de loi, ou bien, comme dans le cas des Sahtu et des Gwich'in, qui ont réglé leurs revendications territoriales, ils ont dit qu'il n'était pas nécessaire de couvrir la vallée du Mackenzie d'offices pour satisfaire aux exigences des accords.

Après quoi, nous avons prié la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de bien vouloir comparaître devant le comité des peuples autochtones, premièrement pour qu'elle nous explique pourquoi le projet de loi a été ainsi rédigé et, deuxièmement, pour qu'elle nous dise s'il n'y aurait pas moyen de trouver un compromis qui satisfasse les autochtones mécontents de ce projet de loi.

La ministre nous a fait en quelque sorte la réponse suivante: «Désolée, je suis trop occupée, mais je vais vous faire parvenir une lettre pour expliquer ma position. Je rencontrerai à titre personnel les membres libéraux du comité. Mais je suis trop occupée pour comparaître devant le comité pour expliquer ma mesure législative.»

Honorables sénateurs, comme le rappelait le sénateur Andreychuk et d'autres honorables sénateurs, nous avons une responsabilité de fiduciaire envers les peuples autochtones. Notre activité n'est pas partisane. Lorsqu'un ministre rencontre des libéraux en secret et en privé, sans inviter tous les sénateurs qui font partie du comité, il agit de façon partisane, contrairement à ce qu'il devrait faire. Le comité devrait se soucier d'abord et avant tout de conserver un lien de confiance et de responsabilité envers les autochtones.

Je crois que le premier ministre ferait bien de vérifier la distribution des tâches au Cabinet, car d'autres ministres ont eu le mérite d'adopter une position différente.

Les sénateurs se souviendront que le ministre des Finances - personne n'est plus occupé que le ministre des Finances - a consacré, juste avant Noël, tout un après-midi au comité plénier lorsqu'il étudiait le projet de loi sur le RPC. Bien qu'il soit occupé, le ministre a quand même trouvé le temps de comparaître devant le comité plénier. Le ministre des Transports - personne ne voyage plus que le ministre des Transports - a comparu à trois reprises au cours des deux derniers mois devant le comité sénatorial permanent des transports et des communications. Il est prévu que le ministre du Travail comparaîtra mercredi prochain devant le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, au sujet du projet de loi sur le travail.

Honorables sénateurs, qu'est-ce qui ne va pas avec la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien? Pourquoi tient-elle des rencontres clandestines pour concocter une lettre, à laquelle le sénateur Andreychuk faisait référence, qui passe sous silence les vrais problèmes? Je crois savoir que la même situation s'est produite au comité des transports, où le sénateur Bryden et le ministre des Transports ont concocté une lettre concernant le projet de loi sur la marine. La même chose se produit maintenant au comité des affaires autochtones. Je fais ici référence à une lettre rédigée en secret.

Honorables sénateurs, je considère cela comme un affront au Parlement et aux peuples autochtones du Canada. Dans les faits, cela place dans une situation impossible le président du comité des peuples autochtones, le sénateur Watt, qui est un excellent sénateur et qui fonctionne de façon transparente et non partisane, dans la mesure du possible, compte tenu des conditions dans lesquelles nous oeuvrons. Le président du comité défend l'indéfendable.

On nous a d'abord dit que la ministre était trop occupée. Lorsque nous avons accepté de revoir notre emploi du temps, la présidence nous a informés que la comparution de la ministre nuirait au déroulement des négociations actuelles concernant les revendications territoriales. Selon moi, c'est tout à fait absurde.

J'ai écouté attentivement les témoins qui ont comparu. Ces personnes étaient sincères et honnêtes. Certaines d'entre elles étaient venues de loin pour témoigner. Je ne comprends pas que quelqu'un, comme la ministre puisse être indifférent à tous ces efforts.

(1510)

La tradition du Sénat et de l'autre endroit veut qu'un ministre comparaisse si on lui en fait la demande pour justifier et commenter les projets de loi du gouvernement. Honorables sénateurs, j'ai été ministre, et j'ai dû le faire. Cela est souvent peu commode parce qu'on est amené par ses fonctions à se déplacer un peu partout au Canada. Je dois vous dire que, si vous n'êtes pas prêt à défendre un projet de loi, il vaut mieux ne pas le présenter.

Honorables sénateurs, la question est grave, surtout si ce comité entame l'énorme travail que sera l'étude du gouvernement autonome des autochtones. La commission royale nous a demandé de former ce comité. Je crois que cela pourrait fort bien être l'une des études les plus importantes entreprises sur les autochtones du Canada. Si madame la ministre ne tient aucun compte de cette étude, comme elle n'a pas tenu compte des autres travaux du comité, y a-t-il intérêt à la faire?

J'ai travaillé avec elle lorsque je faisais partie du comité des banques, et c'est une excellente ministre. Je trouve ahurissant qu'une ministre de sa compétence permette à son personnel ou à quiconque la guide de faire fi d'une demande à comparaître pour justifier son propre projet de loi.

Honorables sénateurs, pour donner satisfaction aux peuples autochtones qui s'opposent au projet de loi, il aurait suffi de retarder l'entrée en vigueur des parties 4 et 5 du projet de loi. J'en ai fait la demande en proposant un amendement à l'étape du comité. Malheureusement, honorables sénateurs, je n'aurai pas gain de cause. Comme le sénateur Andreychuk, j'aurais voté en faveur de ce projet de loi.

Madame le sénateur Forest est sincère et fait de l'excellent travail. Elle travaille très fort et son intégrité, sa sincérité et ses efforts m'inspirent du respect. En fait, tous les membres du comité sont des personnes sincères. Mais la manière dont le gouvernement a piloté ce dossier mine l'esprit de la démocratie parlementaire. Nous avons une responsabilité envers les autochtones. Combien de fois leur avons-nous causé du tort par le passé?

J'ai écouté les instances et les requêtes qui nous ont été présentées. Les autochtones ont connu de nombreuses difficultés que nous leur avons imposées, des pensionnats aux réserves. J'ai beaucoup de respect pour les témoins autochtones. Toutefois, les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui ont comparu devant nous, cinq petits Blancs bien intentionnés, continuent de dire à ces peuples autochtones: «Vous avez tort. Nous savons ce qui est mieux pour vous.» Le gouvernement du Canada agit de cette façon depuis bien longtemps. Quand donc apprendrons-nous? Pourquoi ne pouvons-nous pas accorder aux autochtones le respect auquel ils ont droit?

Sénateur Forest, j'ai le regret de vous dire que je ne peux pas appuyer ce projet de loi. Non pas qu'il s'agisse d'une mauvaise mesure législative. C'est plutôt qu'on nous a demandé précisément d'exclure les peuples autochtones jusqu'à ce que leurs revendications territoriales soient réglées. Je suis persuadé qu'ils auraient accepté ce projet de loi une fois leurs revendications réglées.

L'honorable Consiglio Di Nino: Le sénateur St. Germain est-il prêt à répondre à une question?

Le sénateur St. Germain: Oui

Le sénateur Di Nino:Ai-je bien entendu que la ministre a été invitée à témoigner devant le comité et qu'elle a refusé?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je crois comprendre que la ministre a en effet été invitée à témoigner. Je n'ai pas transmis moi-même la demande, mais on lui a demandé de témoigner et on nous a fait savoir qu'elle était trop occupée à cette date. Les sénateurs de ce côté étaient prêts à remettre son témoignage à plus tard, mais les autres sénateurs présents, dont le sénateur Austin, ont voulu poursuivre l'étude du projet de loi. Dans cette optique, et pour ne pas m'engager dans une chicane politique, j'ai reculé plutôt que de faire de l'obstruction en comité. Je ne tiens pas à traîner ce comité dans des affrontements politiques qui nous empêcheraient de faire notre travail, tout particulièrement si l'on tient compte de l'étude que nous avons à faire. C'est à mon avis ce qui s'est passé.

Le sénateur Di Nino: J'ai également cru comprendre, d'après ce que vous avez dit, que la ministre avait eu une rencontre privée ou même secrète avec des membres libéraux du comité. Est-ce bien exact?

Le sénateur St. Germain: Je crois comprendre qu'elle a en effet assisté à une rencontre. De là à dire si cette rencontre était clandestine ou secrète, nous n'y avons pas été invités. Du moins moi, je ne l'ai pas été. D'après ce que je crois savoir, aucun des sénateurs de ce côté n'y a été invité. Je ne sais pas dans quelle mesure c'était secret, mais je sais qu'une rencontre a eu lieu. Nous en avons été exclus. Je prends cela comme un affront car à l'issue de cette rencontre, une lettre a été rédigée et elle nous a été remise juste avant que le comité n'entreprenne l'étude du projet de loi article par article.

Le sénateur Di Nino: Il me semble qu'il s'agit là d'un autre exemple du manque de respect qu'a la Chambre des communes pour cette institution au moment même où la valeur de cette dernière fait l'objet de nombreux débats et où notre contribution au processus de formulation des politiques est mise en doute.

Ne pensez-vous pas que la ministre renforce la perception que certains veulent donner de cette institution et du travail que nous faisons? Néanmoins, je pense que vous avez absolument raison d'appuyer les communautés autochtones de ce pays. Ceci dit, le fait que la ministre ne se soit pas présentée ne constitue-t-il pas aussi une insulte à l'égard de cette institution?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'aime la ministre Stewart. C'est une excellente ministre. Mais je pense qu'elle est mal conseillée. Ayant été moi-même ministre, je sais que nous n'avons pas l'entier contrôle de ce que nous faisons.

Honorables sénateurs, je pense qu'il incombe aux ministres d'assister aux séances des comités sénatoriaux quand on leur demande de venir défendre leurs projets de loi. Faute de quoi, un refus peut être mal interprété. Je ne prétendrai pas que son intention était d'offenser cet endroit. J'invoquerai plutôt le manque de jugement de son entourage et de mauvais conseils pour expliquer sa décision.

Son Honneur le Président: J'ai le regret d'informer les honorables sénateurs que la période de 15 minutes réservée au discours et aux questions est expirée.

Le sénateur Di Nino: J'aimerai poser une dernière question, si vous le permettez.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: La permission est refusée.

Voulez-vous prendre la parole, sénateur Watt?

Le sénateur Di Nino: Je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Charlie Watt: J'aimerais commenter le projet de loi.

Son Honneur le Président: Le Sénat est saisi d'une motion. L'honorable sénateur Di Nino propose que tout autre débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Avant que nous ne convoquions les sénateurs, les whips pourraient-ils m'informer de la durée de la sonnerie? Honorables sénateurs, les whips pourraient-ils m'informer de la durée de la sonnerie? Autrement, le timbre sonnera pendant 60 minutes, conformément au Règlement.

Le sénateur DeWare: Je suis d'accord pour une demi-heure.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, puis-je demander le silence pour pouvoir entendre les whips?

Le sénateur DeWare: Je suis d'accord pour une demi-heure, mais l'autre whip n'est pas présent.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Je suis d'accord pour une sonnerie d'une demi-heure, si l'autre côté accepte que je me prononce au nom de notre whip.

Son Honneur le Président: Est-on d'accord pour une sonnerie d'une demi-heure?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Le timbre sonnera jusqu'à15 h 50, et le vote aura lieu à ce moment-là. Le leader adjoint peut se prononcer au nom du whip.

Convoquez les sénateurs.

(1550)

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Forest, appuyée par l'honorable sénateur Fitzpatrick, propose que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant. En outre, l'honorable sénateur Di Nino, appuyé par l'honorable sénateur DeWare, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

(La motion d'ajournement du débat, mise aux voix, est rejetée.) 

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Buchanan, Cochrane, Cohen, Comeau, DeWare, Di Nino, Eyton, Forrestall, Grimard, Gustafson, Johnson, Kinsella, Lavoie-Roux, LeBreton, Lynch-Staunton, Nolin, Phillips, Rivest, Rossiter, Simard, Spivak, St. Germain, Stratton-28 

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bacon, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Cook, Cools, Corbin, Fairbairn, Ferretti Barth, Fitzpatrick, Forest, Gigantès, Grafstein, Graham, Hébert, 
Johnstone, Joyal, Kenny, Lawson, Losier-Cool, Maheu, Mercier, Milne, Moore, Pépin, Pearson, Perrault, Poulin, Prud'homme, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Stewart, Stollery, Taylor, Watt-38

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune 

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avec votre permission, nous pourrions peut-être suspendre la séance pour quelques instants et revenir aux Affaires courantes. Nous devons traiter de plusieur questions.

Des voix: D'accord.

(Le débat est suspendu.)

 


AFFAIRES COURANTES

La loi sur les juges

Projet de loi modificatif-première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mardi 16 juin 1998.)

 

La loi sur la défense nationale

Projet de loi modificatif-première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mardi 16 juin 1998.)

 

La Loi sur l'éducation des Mi'kmaq

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mardi 16 juin 1998.)

[Français]

 

La Loi sur la commission canadienne du blé

Projet de loi modificatif-Agrément des Communes aux amendements

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message dans lequel elle retourne le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, et informe le Sénat que les Communes ont agréé les amendements apportés par le Sénat à ce projet de loi sans amendement.

 


[Traduction

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie

Troisième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forest, appuyée par l'honorable sénateur Fitzpatrick, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. L'article 67 du Règlement du Sénat du Canada prévoit:

Lorsqu'on a demandé, en vertu de l'article 65(3) du Règlement, un vote par appel nominal sur une motion sujette à débat selon l'article 62(1), l'un ou l'autre Whip peut demander qu'on diffère le vote de la façon décrite...

Quand le sénateur DeWare, notre whip, a pris la parole pour déterminer l'heure à laquelle on pourrait reporter le vote qui vient d'être tenu, et l'heure à laquelle il pourrait être pris, il n'y avait pas de whips, à notre connaissance, sur les banquettes ministérielles, mais nous n'en avons pas la certitude. Le leader adjoint du gouvernement a pris la parole pour dire qu'elle remplacerait le whip, et la présidence a donné son accord à cette façon de procéder. Le Règlement ne prévoit rien à cet égard.

Notre confusion a été causée en partie par un communiqué en date du 11 juin qui a été diffusé par le cabinet du premier ministre.

[Français]

Le communiqué nous avise que le premier ministre Jean Chrétien a nommé aujourd'hui le sénateur Léonce Mercier au poste de whip au Sénat.

Nous sommes tous d'accord avec cet excellent choix. De notre côté, nous exprimons nos meilleurs voeux à notre collègue, le sénateur Mercier.

[Traduction]

Le communiqué ne dit pas quand la nomination prend effet. On lit plus loin que le premier ministre est profondément reconnaissant au sénateur Hébert, qui occupait ce poste.

Comme les applaudissements de tous les coins du Sénat en témoignent, nous exprimons nous aussi notre gratitude au sénateur Hébert.

Cependant, la mise au point a été faite, ce sont les whips qui font cette détermination en vertu du Règlement. Nous tenions à le signaler.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puis-je dire seulement quelques mots là-dessus? Le Règlement est clair. L'article 67 du Règlement permet aux deux whips de présenter une demande. Je n'ai fait que m'entendre avec le sénateur DeWare. Elle avait convenu d'une demi-heure et je me suis mise d'accord avec elle pour une demi-heure.

En ce qui concerne le whip de ce côté-ci, le communiqué n'est pas très clair. Nous cherchons en ce moment à en émettre un autre. La nomination de Léonce Mercier, que nous sommes très heureux d'accueillir comme notre nouveau whip, entrera en vigueur dès que notre bien-aimé whip, le sénateur Hébert, aura démissionné.

Son Honneur le Président: D'autres sénateurs désirent-ils prendre la parole au sujet du recours au Règlement soulevé par le sénateur Kinsella?

Le sénateur Forrestall: Combien de temps?

Son Honneur le Président: Si aucun sénateur ne veut prendre la parole au sujet du recours au Règlement, je dirai simplement que le sénateur Kinsella a parfaitement raison. Le Règlement est clair: seuls les whips peuvent agir à cet égard. Toutefois, si l'on ne s'était pas entendu sur une demi-heure, je n'aurais eu d'autre choix que de faire entendre la sonnerie pendant 60 minutes. Les sénateurs ont donc gagné 30 minutes.

Le débat sur la troisième lecture du projet de loi C-6 peut maintenant se poursuivre.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, j'ai enfin la chance de parler de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, nous avons pu rencontrer la ministre, même si nous n'avons pas eu beaucoup de temps. Elle était occupée. Elle devait s'acquitter de ses fonctions. Malheureusement, elle n'a pas pu nous consacrer plus de temps. Elle n'a jamais eu l'intention de faire la sourde oreille à la demande du comité. Le fait est qu'elle était occupée ce jour-là. Elle avait d'autres engagements et ne pouvait pas venir au comité. Elle a probablement pensé aussi que la question était entre bonnes mains puisque certains sénateurs autochtones s'en occupaient.

Les orateurs précédents ont exprimé leur opposition à la façon dont ce projet de loi a été traité. Et les mots que je viens d'employer ne sont probablement pas assez forts. Je suis bien conscient de cela. Nous ne sommes pas si nombreux ici. Nous devons compter sur vous pour le travail futur. N'oubliez pas cela, honorables sénateurs.

Je tiens à souligner que le problème ne vient pas du comité. Il vient du fait que cinq organisations différentes ont négocié avec le gouvernement du Canada pour défendre leurs propres intérêts ainsi qu'un intérêt commun. L'accord-cadre qui a été négocié à ce moment-là n'a jamais été altéré ni modifié. Pour cette raison, je peux clairement dire que des gens qui ne participent pas directement au processus maintenant ont participé aux négociations qui ont mené à l'accord-cadre de 1990.

Je me rends compte aussi, en tant que l'une des personnes de l'extérieur ayant participé aux négociations avec le gouvernement, que, à moins d'avoir une bonne compréhension des enjeux, on a tendance à mêler les choses. Je crois que c'est le cas du sénateur Andreychuk et du sénateur St. Germain. Il y a eu une série de négociations portant sur deux éléments. L'un de ces éléments était les revendications globales, qui concernent l'eau et la terre, notamment du point de vue de ce que je peux en retirer et des autres accords concernant mes droits acquis.

Comme vous le savez, les articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 protègent les peuples autochtones et prévoient que leurs droits ne peuvent être aliénés d'aucune manière. Quelles que soient les lois et la législation qu'on adoptera, cette mesure doit être appliquée. Elle continue à nous protéger.

Toutefois, il n'y a pas de doute dans mon esprit que cette entente aura des conséquences. Deux amis de Yellowknife sont venus me visiter, le 2 avril. Nous avons bien discuté. Nous avons parlé des conséquences possibles que cela aurait. Nous avons aussi parlé de ce que cela signifierait si nous interrompions le processus maintenant plutôt que d'examiner les choses dans un esprit plus positif et que nous poursuivions le processus. Que se passerait-il si nous remettions la machine en marche? En fin de compte, nous devons prendre une décision. Un processus a été amorcé. Profitons-en et tâchons d'y participer.

La lettre de la ministre dit la même chose, en bonne partie. La ministre est ouverte aux propositions. D'après ce que j'en sais, elle n'a pas l'esprit étroit.

Le sénateur Berntson: C'est l'une des lumières du gouvernement!

Le sénateur Watt: Oui, je crois que vous avez raison, sénateur.

Elle a encouragé beaucoup d'autochtones. J'ai suivi ses travaux de près, et j'admire la façon dont elle traite les questions autochtones, d'un bout à l'autre du pays. Il arrive qu'elle ait des problèmes, quand des fonctionnaires s'en mêlent et qu'ils prennent des mesures contradictoires. Ils interviennent dans le processus, et c'est parfois un facteur à considérer.

Le 9 avril 1990, nous avons convenu de l'accord-cadre. L'entente n'a pas été ratifiée à ce moment-là. Comme d'autres sénateurs l'ont dit, je crois que les trois groupes s'étaient retirés des négociations parce qu'ils ne voulaient pas avoir contribué à l'adoption de cette mesure. Ils n'étaient pas d'accord avec l'extinction.

Hier soir, j'essayais d'imaginer ce que je ferais si je siégeais au conseil de cet organisme. En tant que personne s'étant plainte qu'on n'a pas vraiment réglé ce problème, que ferais-je? Comment est-ce que je me conduirais en tant que membre du conseil, si je savais que j'ai toujours des droits et que j'ai approuvé, jusque-là, les droits dans le secteur minier, hydraulique ou autre? J'envisagerais la situation dans un esprit positif. J'aurais au moins de l'information de première main sur ce qui se passe. J'essaierais de stimuler les négociations et la participation des autochtones. Les autochtones pourraient même choisir d'intenter des poursuites si leurs droits n'étaient pas considérés comme ils le doivent. S'ils croyaient être lésés par la manière dont les affaires sont traitées, ils auraient le droit de s'adresser aux tribunaux. Le projet de loi ne leur enlève pas ce droit.

(1610)

J'ai ensuite commencé à me demander s'ils ne pourraient pas profiter des mêmes conditions que les deux groupes qui ont déjà conclu une entente. Ils n'obtiendront peut-être pas exactement le même nombre de représentants au conseil, mais ils seront représentés. La ministre a dit également que le gouvernement serait prêt à faire des ajustements si nécessaire.

J'ai entendu les sénateurs de l'autre côté dire que c'était un excellent projet de loi. J'ai également entendu des gens qui ne sont pas du tout d'accord. Honorables sénateurs, c'est une bonne politique publique. La seule réserve que nous devons avoir, c'est de savoir si ces trois groupes autochtones qui n'ont pas réglé leurs revendications sont traités convenablement. Je pense que oui.

Je ne peux pas garantir absolument qu'il n'y aura pas de problèmes un jour, mais je pense qu'ils pourront se régler par la négociation. À mon avis, il serait déplacé pour nous d'essayer de négocier au niveau du comité. Ce n'est pas l'endroit pour négocier. Ce n'est pas notre rôle en tant que sénateurs. C'est le rôle du ministère de négocier. Si nous avions insisté pour que la ministre comparaisse devant nous, elle aurait probablement eu l'impression d'être forcée d'entrer dans des domaines qu'il est préférable de laisser aux négociateurs. Cela pourrait être une des raisons pour lesquelles elle n'est pas venue devant le comité, encore qu'elle ne l'ait pas dit.

En tant que deuxième messager, je ne peux pas livrer ces messages. Mais deuxième ou pas, quelle différence? Le fait est que je suis parlementaire et que j'ai les mêmes prérogatives que les autres sénateurs. J'espère fermement qu'il n'y a pas de sénateurs qui pensent que j'ai un statut inférieur au leur.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, le sénateur Watt accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Watt: Bien sûr.

Le sénateur Di Nino: Durant son discours, le sénateur a dit: «Nous avons rencontré la ministre». Pour mon édification personnelle, lorsque vous dites «nous», de qui s'agit-il?

Le sénateur Watt: Trois d'entre nous ont rencontré la ministre: les sénateurs Chalifoux et Forest ainsi que moi-même. Nous l'avons rencontrée très brièvement - je me demande si la rencontre a même duré dix minutes - parce qu'elle devait vite aller vaquer à une autre occupation. Nous avons donc eu très peu de temps.

Le sénateur Di Nino: A-t-on envisagé de convier tous les membres du comité à la rencontre, pour éviter que ce genre d'ombre ne plane sur le dossier? De toute évidence, il y a un désaccord, mais je pense que nous appuyons tous l'esprit du projet de loi. Peut-être aurait-il fallu envisager de recourir au comité plénier afin que nous puissions tous être éclairés par les réponses de la ministre?

Le sénateur Watt: Seule la ministre peut répondre à cette question. Je ne puis parler en son nom.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

 

Les transports

Le rapport Lerner sur l'annulation des accords sur l'aéroport Pearson-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur LeBreton, attirant l'attention du Sénat sur le rapport intitulé: Cancelling the Pearson Airport Agreements, de Stephen D. Lerner.-(L'honorable sénateur Di Nino).

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui poursuivre le débat sur la motion présentée par ma collègue, le sénateur LeBreton, le 5 mai dernier, pour attirer l'attention du Sénat sur une étude de l'annulation irréfléchie des accords concernant l'aéroport Pearson par le gouvernement actuel.

Cette annulation et tout ce qui l'entoure constituent dans l'ombre d'un doute l'un des incidents les plus disgracieux de notre histoire récente, sinon de toute notre histoire. Mais je reviendrai à cet aspect tout à l'heure.

J'invite ceux d'entre vous qui ne connaissent pas trop bien le dossier à remonter dans le temps, jusque vers la fin des années 1980, et de se représenter l'état de l'aéroport international Pearson de Toronto. Dans son témoignage devant le comité sénatorial spécial formé pour étudier l'annulation du programme de réaménagement de l'aéroport Pearson, M. Glen Shortliffe, à l'époque sous-ministre des Transports, et plus tard greffier du Conseil privé, a qualifié l'aéroport de fouillis, de honte nationale et d'installation misérable. Ce sont là des termes durs, mais qui décrivent avec justesse et précision l'état de l'aéroport Pearson à l'époque.

C'était justement pour cela que le gouvernement précédent avait décidé de faire quelque chose. Il avait lancé un processus qui devait aboutir au renouvellement et au réaménagement de l'aéroport pour lui permettre de faire face à l'achalandage, car c'était le plus gros aéroport du Canada à l'époque et tout permettait de croire qu'il le resterait longtemps.

Dans le cadre de ce processus, des accords ont été signés avec un promoteur privé. Ces accords ont été méchamment attaqués et présentés de façon fallacieuse et trompeuse par des candidats libéraux désireux de gagner des voix lors des élections de 1993. Lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir, le nouveau premier ministre a appelé un vieil ami, M. Robert Nixon, et lui a demandé, en échange d'une généreuse rétribution et d'un poste de président à Énergie atomique du Canada, de rédiger rapidement un sale petit rapport.

On ne s'étonnera donc pas que M. Nixon ait recommandé d'annuler les accords concernant l'aéroport Pearson, ce que le premier ministre s'est empressé de faire.

Cela a donné lieu à une orgie de justifications hypocrites toutes plus ridicules et tordues les unes que les autres, mais que les médias ont été trop heureux de gober et d'amplifier. Un des arguments préférés du gouvernement, c'était que les accords sur l'aéroport Pearson avaient en quelque sorte été concoctés à la dernière minute, dans le feu d'une campagne électorale, par l'ancien gouvernement et un petit groupe de lobbyistes. Ce n'était pas le cas, comme le comité sur l'aéroport Pearson l'a clairement démontré. En fait, c'était loin d'être le cas. En réalité, le réaménagement de l'aéroport Pearson était en préparation depuis plus de quatre ans.

Voyons les faits tels que relatés par M. Lerner dans son étude sur toute cette affaire lamentable.

À la fin des années 80, comme M. Shortliffe l'a affirmé, l'aéroport Pearson était dans une condition lamentable. En août 1989, le gouvernement fédéral a annoncé sa décision de développer l'aéroport au maximum de sa capacité et de rénover les aérogares 1 et 2 en priorité. La même année, le gouvernement a commencé à recevoir des propositions non sollicitées d'entreprises du secteur privé pour réaménager l'aéroport Pearson.

En juillet 1990, Transports Canada a publié un document qui décrivait les problèmes économiques dont souffrirait le sud de l'Ontario si l'aéroport n'était pas rénové. En réponse au désir du gouvernement d'aller de l'avant, le ministère a alors produit une demande officielle de propositions énonçant les critères d'évaluation des propositions soumises pour le réaménagement de l'aéroport Pearson.

En janvier 1992, l'ancien directeur régional des aéroports de la région de l'Atlantique à Transports Canada a été choisi pour diriger un comité d'évaluation indépendant afin de mettre le processus en branle.

En mars 1992, la demande de propositions a été rendue publique. Le 28 août 1992, le comité d'évaluation a présenté ses recommandations à Transports Canada.

Le 9 décembre 1992, le ministre des Transports a annoncé qu'une entreprise, Paxport, avait soumis la meilleure proposition globale acceptable.

En janvier 1993, après qu'on eut exprimé des inquiétudes quant à la capacité de Paxport de financer sa proposition, les services d'une société d'experts-conseils furent retenus pour évaluer les faits.

Le 1er février 1993, Paxport et une autre société contrôlée par M. Charles Bronfman ont annoncé qu'elles avaient formé une coentreprise afin de réaménager l'aéroport Pearson.

Le 17 août 1993, le même cabinet d'experts-comptables que je viens de mentionner a fait une évaluation favorable de la viabilité financière de la proposition Paxport-Bronfman. On a alors demandé au Conseil du Trésor de faire part de son approche, laquelle a été communiquée au Cabinet.

Le 27 août 1993, le Cabinet a autorisé le ministre des Transports à conclure le contrat et les accords de réaménagement définitifs.

Le 30 août 1993, le ministre des Transports a annoncé publiquement qu'un accord avait été conclu pour le réaménagement de l'aéroport Pearson. La date de la signature du contrat était fixée pour le 17 octobre 1993.

Le 9 septembre 1993, des élections fédérales ont été déclenchées pour le 25 octobre 1993. Le 7 octobre, les documents définitifs étaient signés. L'entente était conclue.

Cela, honorables sénateurs, ce sont les faits. Un plan en vue de réaménager l'aéroport international Pearson, l'aéroport le plus important de ce pays, a été mis en oeuvre en août 1989 et a pris fin en octobre 1993. Cela a demandé quatre ans de discussions, d'évaluations, d'analyses et de négociations - ce n'est pas ce qu'on peut appeler une entente de dernière minute.

Les faits, les libéraux n'en avaient rien à faire. Ce qui les intéressait, c'était les rumeurs, les insinuations, les inventions, la déformation des faits. Peu leur importait donc les faits. Durant les élections de 1993, les libéraux ont dit aux électeurs que le réaménagement de l'aéroport Pearson était une décision de dernière minute. Jean Chrétien à leur tête, ils ont, sans discrimination, sali la réputation de centaines de Canadiens honnêtes qui travaillent dur - un fait dont ils n'ont jamais eu la décence de s'excuser.

J'invite tous les honorables sénateurs qui ne sont pas au courant des détails scandaleux entourant la façon dont le gouvernement a géré ce dossier à lire cet excellent article de M. Lerner. Je les invite à méditer sur un cas de démagogie politique, d'arrogance et d'abus de pouvoir rarement vu, heureusement, dans ce pays.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

 

Régie interne, Budgets et administration

Adoption du rapport du comité

Permission ayant été accordée de revenir au numéro 3 des rapports de comité:

Le Sénat passe à l'étude du vingt et unième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budget supplémentaire du comité des peuples autochtones), présenté au Sénat le 10 juin 1998.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

 

La Sanction royale

Avis

Son Honneur le Président suppléant informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante: 

RIDEAU HALL

Le 11 juin 1998

 

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable Charles Gonthier, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 11 juin 1998, à 17 h 15, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

 

Le sous-secrétaire, politique, programme et protocole,

Anthony P. Smyth

L'honorable
Président du Sénat
Ottawa
[Traduction]

 

La santé

La commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada-motion de mise en oeuvre des recommandations-Suite du débat

Permission ayant été accordée de revenir à l'article 67 de l'ordre du jour:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyée par l'honorable sénateur DeWare:

Que le Sénat sanctionne et appuie les conclusions et les recommandations de la Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada;

Que, pour des motifs humanitaires, le Sénat exhorte le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces et des territoires à accepter ces conclusions et ces recommandations; et

Qu'une copie de la présente motion soit communiquée aux ministres de la Santé du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur DeWare, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, que la motion ne soit pas maintenant adoptée mais qu'elle soit modifiée en supprimant, au deuxième paragraphe, les mots «à accepter ces conclusions et ces recommandations» et en les remplaçant par ce qui suit:

 

«à ne pas exclure dans la détermination de l'indemnisation toute personne ayant contracté l'hépatite C au moyen de composés ou de produits sanguins»;
Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Berntson, appuyée par l'honorable sénateur DeWare, que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit de nouveau modifiée en supprimant, au premier paragraphe, les mots «les conclusions et les recommandations» et en les remplaçant par «recommandation 1»; et en ajoutant après les mots «au Canada», «et reconnaît le rôle qu'a joué le gouvernement du Canada dans sa mise en application».-(L'honorable sénateur Gigantès).

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je ne crois pas que les sénateurs de l'autre côté prennent plaisir à créer davantage de problèmes pour ces malheureuses personnes qui ont contracté l'hépatite C à partir de produits sanguins.

Les deux côtés voudraient faire ce qui est juste et ce qui est décent. Les deux côtés savent que, malheureusement, cette question est compliquée par le fait que les responsabilités du fédéral et des provinces se recoupent. Les sénateurs d'en face exprimaient hier encore, ainsi que les jours avant, leur désir de voir le gouvernement fédéral respecter les responsabilités provinciales en matière d'éducation. C'est une question sérieuse dont je ne me mêlerais pas, encore que je puisse dire certaines choses au sujet de la rupture des négociations entre le fédéral et le Québec. C'est le gouvernement du Québec qui est à l'origine de la rupture des négociations.

En ce qui concerne l'hépatite C, le ministre de la Santé a fait de son mieux. La question est de savoir si le gouvernement fédéral devrait indemniser toutes les victimes de l'hépatite C. C'est une question dont on débat depuis plus de deux mois, en fait, depuis l'annonce du 27 mars. Ce jour-là, de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, le gouvernement fédéral a déposé une offre d'aide financière s'appliquant à toutes les personnes atteintes de l'hépatite C infectées à la suite d'une transfusion sanguine entre 1986 et 1990.

(1630)

En lisant des extraits du rapport Krever hier, le sénateur Lynch-Staunton a mentionné le verbe «souffrir». Le juge Krever a insisté sur ce terme, ainsi que sur la nécessité pour les provinces de trouver une solution qui ne serait pas basée sur la responsabilité. Nous ne voulons pas d'une solution qui ne ferait qu'accroître l'anxiété des personnes atteintes en les mettant dans une situation où elles seraient pointées du doigt et où on devrait tenter d'établir des niveaux de responsabilité.

Cette question a fait l'objet de nombreuses discussions d'un bout à l'autre du Canada et dans tous les médias du pays. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont penchés sur la question pendant près de six mois.

Honorables sénateurs, il s'agit d'une question difficile et complexe. Les solutions ne sont pas évidentes. Par un accident historique, nous constituons, des deux côtés de cette enceinte, une Chambre du centre. À votre droite se trouvent des gens qui ont une vision très étroite des choses et qui appartiennent au parti qu'ils appellent réformiste. Les gens qui ont une vision étroite croient qu'il existe des solutions parfaites. En démocratie, ce que les uns considèrent comme la perfection constitue de la tyrannie pour les autres. C'est la raison pour laquelle les démocraties sont dirigées par des gens comme nous, des gens qui sont au centre. Ce sont des gens comme nous qui sont capables d'établir des compromis pour résoudre les problèmes complexes de ce genre.

Les gouvernements responsables de toutes allégeances politiques au Canada en sont arrivés à une décision. Non pas les réformistes, pas M. Manning, qui croit qu'en continuant à jouer sur les mauvais sentiments, il réussira à se faire élire premier ministre. J'espère ne jamais voir ce jour. La décision prise par les gouvernements de toutes allégeances était d'offrir une aide financière aux personnes infectées entre 1986 et 1990. C'était une décision réfléchie. Revoyons certains des faits en cause.

Le principe fondamental, c'est qu'entre ces dates, on aurait pu agir. Il existait un test. Ce test n'était pas au stade expérimental; ce n'était certes pas un remède contre le cancer comme celui qu'on a découvert sur une île grecque il y a nombre d'années. Il s'agissait d'eau venant d'un puits qui n'avait aucun effet, mais ma chère maman y a cru jusqu'à la fin. On aurait pu faire quelque chose au cours de ces années, parce qu'un test avait été approuvé par tout le monde et aurait pu empêcher la transmission du virus de l'hépatite C dans le système d'approvisionnement sanguin.

En 1986, les Américains ont mis en application un nouveau test indirect pour détecter le virus de l'hépatite C dans le sang. Jusque là, des tests étaient possibles, mais leur validité n'était pas attestée. Le Canada a décidé de ne pas imiter les États-Unis. Ceux qui ont pris cette décision ne l'ont certainement fait pour répandre l'hépatite C.

En 1989, le Canada réglementait le système d'approvisionnement sanguin, mais ce n'est qu'en 1990, année où un test précis pour détecter le virus de l'hépatite C a fait son apparition au pays, que le Canada a décidé d'appliquer des tests dans ce domaine. C'était plus tard qu'aux États-Unis, mais, encore une fois, je doute qu'aux gouvernements provinciaux ou à Santé Canada, on ait pu agir dans une intention mauvaise ou pour économiser des sous. On a agi ainsi parce qu'on voulait être certain que le test qu'on utiliserait serait valide et accepté comme le test à appliquer.

Les plaignants de trois recours collectifs intentés dans trois provinces contre le gouvernement et la Croix-Rouge ont fait porter leurs réclamations surtout sur la période allant de 1986 à 1990. C'est pour tenter de régler ces recours collectifs que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont proposé une aide financière.

Cela nous amène à la question des autres personnes infectées par le virus de l'hépatite C à cause du système d'approvisionnement sanguin soit avant 1986, ce qui est mon cas, soit après 1990. Que faut-il faire pour les aider? Le gouvernement doit-il leur venir en aide? Chose certaine, leur maladie est la même que celle des personnes infectées entre 1986 et 1990. Mais ce sont des principes différents qui s'appliquent, des principes dont nous devons tenir compte. Il faut voir quels sont les faits.

Vous savez probablement qu'un groupe de travail formé de fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux s'est rencontré à Edmonton récemment pour poursuivre les discussions sur l'aide à consentir aux personnes infectées avant 1986 et après 1990. Même lorsqu'on a commencé à appliquer les tests, des personnes ont été infectées.

Le groupe de travail a également rencontré des représentants des groupes touchés, comme la Société canadienne de l'hépatite C et la Société canadienne de l'hémophilie, pour essayer de comprendre leurs préoccupations. Il est d'autant plus difficile d'arriver à comprendre ces préoccupations que nous avons droit à une vraie cacophonie de la part de ceux qui voudraient avaler le Parti conservateur, soit les réformistes, et qui sont prêts à utiliser tous les prétextes pour semer la confusion.

La réunion d'Edmonton visait à établir les faits et à présenter un rapport provisoire aux sous-ministres de la Santé qui se rencontreront de nouveau sous peu pour discuter de la question.

[Français]

Le gouvernement fédéral répète qu'il est toujours déterminé à contribuer largement aux règlements des demandes pour la période 1986 à 1990. Il ne fuira pas sa responsabilité.

Les régimes d'assurance-maladie, comme les soins de santé, sont de compétence provinciale, et c'est un fait que vous soulignez souvent de votre côté. La prestation de services aux personnes infectées par l'hépatite C incombe aux provinces. C'est un fait. Le ministre a signalé, le 27 mars, que les provinces et les territoires allaient fournir, entre autres, des services médicaux et hospitaliers, des soins à domicile, des médicaments et de l'assistance sociale aux victimes de l'hépatite C en cause, pour des infections avant 1986 ou après 1990.

Nous ne sommes pas aux États-Unis, où vous n'avez aucun recours. Nous avons un système de santé. Est-ce que certains des médicaments sont trop chers pour ces personnes? On peut s'occuper de cela. Mais, par exemple, me donner 50 000 $ parce que j'ai l'hépatite C - qui ne me cause aucun problème - est-ce que ce serait une bonne chose? Peut-être pour faire des voyages à l'étranger, mais est-ce que cela ne serait pas mieux de prendre ces 50 000 $ et de les utiliser pour des gens qui ont vraiment des symptômes et qui souffrent?

(1640)

Le gouvernement fédéral versera au total 26 millions de dollars en 1998-1999, en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, dont 12,5 milliards de dollars par sa disposition de financement global. Le transfert donne aux provinces la possibilité d'affecter les fonds selon leurs priorités. Il ne faut pas les forcer. Nous ne devons pas les forcer, dites-vous de l'autre côté, et je suis d'accord avec vous. Les provinces déterminent les besoins en soins actuels et futurs de leurs résidents selon leurs priorités.

[Traduction]

La prestation de services aux personnes qui souffrent de l'hépatite C - le mot «souffrent» est important; le juge Krever y insiste dans sa première recommandation - constitue une des préoccupations des groupes touchés. J'en suis exclu. Je ne souffre pas. Il y a certes présence de l'hépatite C dans mon sang, mais je ne souffre pas. Cette question, parmi tant d'autres, est au coeur des discussions qui ont cours sur les modalités de l'aide à apporter aux personnes qui ont contracté l'hépatite C à cause du sang contaminé, comme ce fut mon cas quand j'ai été opéré en 1977.

(1640)

Honorables sénateurs, nous sommes tous conscients des difficultés et de la charge émotive que ce dossier provoque. Ce n'est pas drôle. Je n'ai pas de symptômes, mais qu'adviendra-t-il si j'en ai un jour? Certains n'ont pas comme moi le support d'une famille et, pour eux, cette perspective doit être terrifiante.

Nous sommes au courant des difficultés et des émotions que ce dossier a suscitées à l'autre Chambre, là où les députés font face à un groupe comme le Parti réformiste, qui est toujours prêt à exploiter tout ce qui lui tombe sous la dent, de la façon la plus vile, sans se préoccuper de la souffrance des personnes touchées, pour se faire du capital politique.

Souhaitons bonne chance aux ministres de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux dans leurs efforts constants pour trouver une solution à cet épineux dossier. Dans la mesure du possible dans cette Chambre du centre, tâchons de les protéger contre le comportement bête et méchant du Parti réformiste à l'autre endroit.

(Sur la motion du sénateur Cartairs, le débat est ajourné.)

[Français]

 

La Journée internationale de la Francophonie

Interpellation-Fin du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Gauthier, attirant l'attention du Sénat sur la Journée internationale de la Francophonie, qui aura lieu le vendredi 20 mars 1998.-(L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, la période allouée pour débattre l'interpellation du sénateur Jean-Robert Gauthier tire à sa fin puisque nous en sommes rendus au quatorzième jour de son ajournement.

J'avais ajourné le débat, à la suite des remarques de l'honorable sénateur Murray, pour pouvoir tout simplement intervenir dans le contexte de la loi et des programmes sur les langues officielles. Le sénateur Murray avait bien délimité les paramètres de son intervention.

S'il est un programme fédéral-provincial relié à la Loi sur les langues officielles qui a un impact énorme sur les mentalités et qui contribue énormément à cimenter l'unité nationale, d'un océan à l'autre, si je peux employer l'expression coutumière, c'est bien le programme d'immersion «français langue seconde». Il permet aux élèves de langue anglaise d'apprendre de façon assez intense et de recevoir une bonne partie de leur formation scolaire dans la langue française. Certaines matières sont dispensées complètement en français sur plusieurs années. Ceci fait d'eux, en fin de compte, des Canadiens bilingues assez fonctionnels. Plusieurs pages du Sénat ont eu l'occasion de suivre ces cours d'immersion en langue française. Vous le savez comme moi, ils se démêlent fort bien dans l'utilisation de la langue française. Nous sommes fiers d'eux. Je me propose de revenir à l'automne sur ce programme que je considère très important et dont on ne parle pas assez souvent.

Mon commentaire aujourd'hui a plutôt pour but de célébrer, comme a voulu le faire mon collègue Jean-Robert Gauthier, le français en tant que langue d'expression. Pour entrer rapidement dans le sujet, je voudrais vous rappeler la devise de l'Ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures, l'Ordre de la Pléiade. Cette devise est due à l'ex-président du Sénégal, M. Léopold Sédar Senghor. Elle se lit comme suit:

Les mots du français rayonnent de mille feux comme les étoiles de la Pléiade.

On trouve cette devise sur le brevet qu'on remet aux décorés de l'ordre de la Pléiade. Je suis un récipiendaire, comme l'est d'ailleurs le Président du Sénat, de l'ordre de la Pléiade. Je suis décoré du grade de commandeur, ayant été président de la section canadienne pendant plusieurs années et vice-président international de l'Association internationale des parlementaires de langue française, comme elle s'appelait à l'époque. Aujourd'hui, on sait que le nom a été changé pour celui de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française.

Peu de personnes connaissent l'origine de cette devise. Comme j'ai été en 1976 l'heureux récipiendaire des poèmes de Léopold Sédar Senghor, un cadeau qui m'a été fait lors d'une visite de parlementaires sénégalais au Canada, j'ai pensé vous rappeler le contexte dans lequel il avait couché ces paroles, qui sont devenues la devise de l'ordre de la Pléiade. C'était dans une postface des poèmes intitulés: Éthiopiques, qu'il publiait en 1956, postface que Senghor avait intitulée: Comme les Lamantins vont boire à la source.

Les Lamantins sont des «manatees», je crois que c'est le nom anglais. Senghor commence la postface aux Éthiopiques en disant, et je cite:

(1650)

Ceci n'est pas une préface. Je ne m'adresse pas aux lecteurs. La grande règle reste de «plaire», comme le disait Molière voilà trois siècles. Si j'écris ces lignes, c'est à la suggestion de certains critiques de mes amis. Pour répondre à leurs interrogations et aux reproches de quelques autres, qui somment les poètes nègres, parce qu'ils écrivent en français, de sentir «français», quand ils ne les accusent pas d'imiter les grand poètes nationaux. Tel me reproche d'imiter Saint-John Perse, et je ne l'avais pas lu avant d'avoir écrit les Chants d'ombre et les Hosties noires. Tel reproche, à Césaire [...]

...ce grand poète martiniquais, nègre lui aussi...

 

[...] de le lasser par son rythme de tam-tam, comme si le propre du zèbre n'était pas de porter des zébrures. En vérité, nous sommes des lamantins, qui, selon le mythe africain, vont boire à la source, comme jadis, lorsqu'ils étaient des quadrupèdes - ou hommes. Les lamantins sont des mammifères comme les baleines.
Je ne sais plus au juste si c'est là mythe ou histoire naturelle.

Je vous fais grâce du commentaire qui suit et j'arrive au coeur du passage de Senghor concernant son utilisation de la langue française, et je cite:

Mais on me posera la question: «Pourquoi, dès lors, écrivez-vous en français?» Parce que nous sommes des métis culturels, parce que, si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s'adresse aussi aux Français de France et aux autres hommes,[...]

...aujourd'hui on dirait aussi, évidemment, les femmes...

 

[...] parce que le français est une langue de «gentillesse et d'honnêteté». Qui a dit que c'était une langue grise et atone d'ingénieurs et de diplomates? Bien sûr, moi aussi, je l'ai dit un jour, pour les besoins de ma thèse. On me le pardonnera.

Car je sais ses ressources pour l'avoir goûté, mâché, enseigné, et qu'il est la langue des dieux. Écoutez donc Corneille, Lautréamont, Rimbaud, Péguy et Claudel. Écoutez le grand Hugo. Le français, ce sont les grandes orgues qui se prêtent à tous les timbres, à tous les effets, des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l'orage. Il est, tour à tour ou en même temps, flûte, hautbois, trompette, tam-tam et même canon. Et puis le français nous a fait don de ses mots abstraits - si rares dans nos langues maternelles -, où les larmes se font pierres précieuses. Chez nous, les mots sont naturellement nimbés d'un halo de sève et de sang; les mots du français rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, cette interpellation sera considérée comme étant débattue.

[Traduction

Question de privilège

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(8) du Règlement, l'honorable sénateur Cools, ayant donné avis plus tôt aujourd'hui, soulève la question de privilège.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je soulève la question de privilège. Conformément au Règlement, j'ai donné l'avis requis au greffier du Sénat aujourd'hui. Permettez-moi de commencer par exposer les événements que je conteste.

Premièrement, j'attire l'attention des sénateurs sur un communiqué diffusé le 10 juin 1998, au sujet d'une campagne de pétitions organisée par des députés pour faire abolir le Sénat. Le communiqué se lit ainsi:

Ottawa - Le député de Sarnia - Lambton, Roger Gallaway, et le député de Qu'Appelle, Lorne Nystrom, se joignent à d'autres députés pour lancer une campagne nationale de pétitions réclamant l'abolition du Sénat.

Conférence de presse:

Le jeudi 11 juin 1998

Midi - Campagne de pétitions organisée par des députés réclamant l'abolition du Sénat

Endroit: Amphithéâtre national de la presse
150, rue Wellington
Ottawa (Ontario)

Je veux également signaler aux sénateurs l'article paru dans l'édition du 11 juin du Ottawa Citizen, où l'on parle de ces députés qui amènent le débat sur le Sénat devant la population.

La pétition dit ceci:

Que le Sénat du Canada est une institution antidémocratique composée de membres non élus n'ayant aucun compte à rendre à la population;

Que le Sénat coûte aux contribuables environ 50 millions de dollars par année;

Que le Sénat est redondant, étant donné le rôle que jouent la Cour suprême et les provinces dans la protection des droits des minorités et la représentation régionale;

Que le Sénat mine le rôle des députés à la Chambre des communes; et

Qu'il convient de moderniser nos institutions parlementaires;

Par conséquent, vos pétitionnaires exhortent le Parlement à prendre les mesures nécessaires pour abolir le Sénat.

Ensuite, il y a de place pour la signature et l'adresse des pétitionnaires.

[Français]

L'honorable Lucie Pépin: Serait-il possible de déposer ces documents et de les ajouter à la présentation du sénateur Cools?

[Traduction]

Son Honneur le Président: On demande au sénateur Cools de déposer ces documents.

Le sénateur Cools: Avec plaisir.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, voulez-vous que les documents soient déposés?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, pourraient-ils aussi figurer en annexe au compte rendu d'aujourd'hui?

En outre, honorables sénateurs, une pétition prévoit qu'on «prie le Parlement». Il me semble que, dans le langage des pétition, il faut s'adresser à la Chambre en question, soit le Sénat ou la Chambre des communes. Nous faisons ici des gamineries intéressantes.

Je tiens à attirer votre attention sur deux citations. Dans la première, tirée des Débats du Sénat du 19 mars 1877, l'honorable sir Alexander Campbell dit ceci:

Les membres de cette Chambre, comme tous les autres sujets de Sa Majesté, s'intéressent à la préservation de la Constitution, mais il semble être particulièrement du devoir du Sénat de relever promptement toute tentative de violation de ses droits acquis en tant que partie intégrante du Parlement.

(1700)

Je tiens à faire inscrire au compte rendu une citation d'un des pères de la Confédération, George Brown, un libéral, laquelle a été répétée dans cette Chambre à maintes reprises. La citation suivante est tirée du compte rendu des débats du 8 février 1865 à l'assemblée législative. George Brown parlait de la Constitution quand il a dit:

Le but était de faire de la Chambre haute un organisme entièrement indépendant, organisme qui serait le mieux en mesure d'étudier calmement les mesures de cette Chambre et de défendre l'intérêt public en s'opposant aux mesures législatives hâtives ou partisanes. Il n'est nullement question de craindre une impasse. On nous rappelle que le système des nominations à vie a fonctionné jusqu'à maintenant, depuis l'instauration d'un gouvernement responsable; on ne reproche pas à la Chambre haute d'être un organisme d'obstruction, d'avoir tenté de s'opposer à la volonté du peuple, mais plutôt de l'avoir suivi trop fidèlement.

Pour ce qui est des antécédents du Sénat actuel, au cours des dernières années, en ce qui concerne la représentation du peuple, que ce soit au sujet de l'assurance-emploi ou de la TPS, nous avons fidèlement reflété sa volonté. Je tenais à ce que ces citations figurent au compte rendu.

Je suis fermement convaincue qu'il est temps que les honorables sénateurs contrent ces attaques pernicieuses et imprudentes dont le Sénat du Canada est constamment l'objet. Le Parlement est le forum où la souveraineté et l'indépendance du peuple sont préservées. Le Parlement est l'endroit où les représentants, élus et nommés, de la nation sont chargés de maintenir la paix, l'ordre et le bon gouvernement. L'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique stipule que:

Il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada...

Le Parlement du Canada doit son existence constitutionnelle à la Loi constitutionnelle de 1867, qui a été modifiée afin de permettre à d'autres provinces de l'Amérique du Nord britannique de s'unir dans l'intérêt de leurs habitants. Après plusieurs générations d'administration coloniale et après beaucoup de consultations et de débats populaires, on a créé une forme de gouvernement désigné du nom de Parlement du Canada.

En tenant compte de l'histoire et de l'expérience de ces provinces ainsi que des rôles relatifs des administrations coloniales, on avait habilement rédigé le texte de la Confédération, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, adopté en Angleterre, qui distinguait les provinces du Canada de la nation du Canada, qu'on appelait alors Dominion. Cette loi établissait aussi clairement et précisément la distinction entre les assemblées législatives des provinces et le Parlement de la nation. L'AANB de 1867 définit précisément la différence entre un parlement et une assemblée législative, en particulier le Parlement du Canada et une assemblée législative d'une province.

La Loi constitutionnelle de 1867 a été et est toujours une loi exceptionnellement bien rédigée. J'ai souvent dit aux sénateurs, en cette enceinte, que chaque mot de cette loi avait été examiné et étudié à fond par le plus distingué et compétent rédacteur du Parlement du Royaume-Uni, lord Thring. En outre, chaque mot avait été choisi selon les désirs des pères de la Confédération et en fonction de l'évolution constitutionnelle et des particularités historiques des provinces intéressées de l'Amérique du Nord britannique de l'époque. L'article 17 de l'AANB de 1867 précise clairement:

Il y aura, pour le Canada, un Parlement qui sera composé de la Reine, d'une Chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes.

Je le répète, un Parlement, et un seul. Ce Parlement du Canada a donc été établi comme une entité composée de deux Chambres, le Sénat et les Communes. Toutefois, honorables sénateurs, le Parlement demeure une institution inséparable et indivisible.

Le Sénat et les Communes sont inséparables et indivisibles, ils constituent des parties constituantes et coordonnées du Parlement et de la Constitution. Le mot «un» dans l'expression «un Parlement» est repris dans les pouvoirs du Parlement énoncés dans la Constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le mot est également repris à l'article 102, qui concerne la perception des revenus et impôts fédéraux, qui sont appropriés au bien public et au service public du Canada. L'article 102 stipule:

Tous les droits et revenus que les législatures respectives du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, avant et à l'époque de l'union, avaient le pouvoir d'approprier, - sauf ceux réservés par la présente loi ou législature respective des provinces, ou qui seront perçus par elle conformément aux pouvoirs spéciaux qui leur sont conférés par la présente loi, - formeront un fonds consolidé de revenu...

Honorables sénateurs, je vous cite cet article parce que le Parlement et l'administration financière, c'est-à-dire la gestion de l'argent et la perception des revenus, sont un sujet crucial. Nous devons tous nous rappeler que le fonds du revenu consolidé marquait, à l'époque, un progrès majeur dans l'évolution du Parlement. Une étude attentive de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 révèle la persistance de l'unicité et de la notion de souveraineté d'un Parlement unique.

Honorables sénateurs, les pères de la Confédération et leurs supporters au Royaume-Uni voulaient non seulement que les lois constitutionnelles, en tant qu'accords constitutionnels ayant force de loi, résistent aux changements, mais ils disaient également que le Sénat, qu'ils ont créé, durerait aussi longtemps que le Canada, notre pays. Je répète: ils disaient que le Sénat vivrait aussi longtemps que notre pays, le Canada.

L'abolition du Sénat équivaudrait à l'abolition du Canada. Le Parlement du Canada, cette créature bicamérale, fruit de la vie politique de 1867, est une institution libre. Dans l'introduction de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, troisième édition, on peut lire ce qui suit à la page XX:

 

Lorsque les lords et les Communes du Royaume-Uni ont adopté l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ils considéraient sans doute leur propre Parlement comme le prototype des institutions parlementaires. Pour eux, cela signifiait une chose en particulier: une institution libre dont l'autorité législative englobe tous les sujets pouvant être assujettis au contrôle et à l'administration de l'État.
Ce que je dis, honorables sénateurs, c'est que le monocamérisme va à l'encontre de l'histoire, des conventions, des antécédents, de la culture et de la Constitution du Canada.

Honorables sénateurs, la proposition visant à abolir le Sénat du Canada tend, en même temps, à abolir le Parlement du Canada et les droits de la population qu'il représente. Cette proposition elle-même est une attaque contre les Canadiens et contre leur droit à des institutions représentatives. De plus, cette proposition est un vilain tour qu'on joue aux gens, car on cherche à amener les citoyens eux-mêmes à abandonner - non, à éteindre - leur droit à un Parlement souverain, à une institution représentative souveraine, composée du Sénat et de la Chambre des communes. On renie ainsi le droit que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique confère à la population d'avoir un Parlement constitué d'une Chambre prévoyant une représentation selon la population et d'une Chambre prévoyant une représentation régionale. On empêche les Canadiens d'avoir droit aux services d'une institution bicamérale souveraine, dont le Sénat fait partie.

Cette proposition est hostile à notre système de gouvernement responsable, elle va à l'encontre des intérêts des citoyens du Canada et du serment que nous prêtons tous en tant que parlementaires lorsque nous entrons au Parlement. De plus, il s'agit d'une ingérence hostile dans la Constitution du Canada, dans le travail et les fonctions du Sénat et même dans l'indépendance constitutionnelle du Sénat.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, je suis désolé de vous interrompre, mais le temps est venu de passer à la sanction royale. Le juge nous attend dans mes appartements.

Le sénateur Cools: J'ai presque terminé.

Son Honneur le Président: Je vous cède donc la parole.

Le sénateur Cools: Cette proposition est une mascarade. Il faut lever le voile là-dessus et montrer que tout cela est trompeur. C'est une proposition ignoble. Son hypocrisie inhérente le montre bien, à l'instar de la tromperie qu'elle renferme. C'est une attaque malveillante contre le Sénat tendant à nous intimider et à nous embarrasser au Sénat, sur la colline, dans nos collectivités, à rabaisser notre travail et notre examen des lois, à nous paralyser et à nous détruire. C'est une attaque flagrante. On a calomnié le Sénat. Le Sénat doit s'affirmer et condamner vertement cette attaque capricieuse qui le mine, ainsi que ses fonctions parlementaires importantes.

[Français]

Le sénateur Pépin: Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président: Je regrette, c'est une question de privilège que l'on ne peut ajourner. Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je vais prendre cette question en délibéré.

 


[Traduction]

 

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'invités de la circonscription du sénateur Adams, des membres de l'Inuit Tapirisat de Pauktuutit et d'autres organisations inuites de cette ville.

Bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!

 


Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 135(4) du Règlement, la séance est suspendue jusqu'à 17 h 15.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

 


[Français]

(1720) 

Sanction Royale

Le très honorable Charles Gonthier, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son président suppléant. Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritime, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence, (Projet de loi C-9, Chapitre 10, 1998)

Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, (Projet de loi C-12, Chapitre 11, 1998)

Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, (Projet de loi S-3, Chapitre 12, 1998)

Loi concernant les lettres de dépôt et les billets de dépôt et modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques, (Projet de loi S-9, Chapitre 13, 1998)

Loi concernant les arpenteurs des terres du Canada, (Projet de loi C-31, Chapitre 14, 1998)

Loi modifiant la Loi sur le Nunavut et la Loi constitutionnelle de 1867, (Projet de loi C-39, Chapitre 15, 1998)

Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada et d'autres lois en conséquence, (Projet de loi C-15, Chapitre 16, 1998)

Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, (Projet de loi C-4, Chapitre 17, 1998)

Loi modifiant la Loi électorale du Canada, (Projet de loi C-411, Chapitre 18, 1998)

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.

 


[Traduction]

(1730)

Le Sénat reprend sa séance. 

La Loi sur le Parlement du Canada
La Loi sur les allocations de retraite des parlementaires
La Loi sur les traitements

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi C-47, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires et la Loi sur les traitements.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de lundi prochain, le 15 juin 1998.)

 

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à lundi prochain, le 15 juin 1998, à 19 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au lundi 15 juin 1998, à 19 h 30.)

 


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